Rapport pour avis au nom de la commission de la culture, de l’éducation et des médias
Cette année, la mission « Livre et industries culturelles » affiche une progression de ses crédits de paiement de 2,6 %. Je tiens dès à présent à souligner que cette augmentation est trompeuse et que nous ne devons pas en faire une interprétation erronée. En effet, cette année, deux nouvelles actions sont rattachées au programme : « Soutiens aux médias de proximité » et « Compagnie internationale de radio et de télévision », qui totalisent le crédit non négligeable de 3,1 millions d’euros, si bien qu’à périmètre constant, la progression n’est en réalité que de 1,4 %, loin des 2,6 % mis en avant dans votre présentation du budget de la mission. Une hausse encourageante, certes, mais à laquelle il manque toutefois 40 millions d’euros pour « recoller » au premier budget du quinquennat.
J’en profite pour vous interroger, madame la ministre, sur la pertinence du rattachement au programme de cette dernière action, de la Compagnie internationale de radio et de télévision (CIRT), sur laquelle sont désormais inscrits les crédits budgétaires alloués à la radio franco-marocaine Médi 1. Par ailleurs, à l’heure de fortes contraintes budgétaires et d’un déficit important, le montant des crédits octroyés me laisse perplexe : presque 1,7 million d’euros. Certes, la défense de la francophonie et la diversité radiophonique sont des objectifs que je partage, mais le financement de journalistes entre-t-il réellement dans le cadre cette ambition globale ?
Pour ce qui est des autres actions, je me concentrerai sur plusieurs points.
Au sein de l’action « Livre », je relève que les contrats « Territoires-lecture » seront dotés de 1 million d’euros supplémentaires. Je me félicite de la réussite de ce dispositif, mis en place en 2010 par Frédéric Mitterrand dans le cadre du plan de développement de la lecture. Je note ensuite la diminution du rendement des taxes affectées au Centre national du livre (CNL) : la taxe sur le matériel de reprographie et la taxe sur l’édition. Que comptez-vous faire pour y remédier et compenser cette baisse ? Vous le savez, le CNL joue un rôle pivot pour le soutien de la filière et notamment pour les libraires qui subissent aujourd’hui une importante crise du marché du livre.
Enfin, je déplore la réévaluation du coût total de la rénovation du quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BNF) qui passe à presque 233 millions d’euros. La dépense devait initialement s’élever à 211 millions d’euros. Évidemment, cette rénovation est nécessaire pour notre patrimoine mais, madame la ministre, comment expliquer ces difficultés de gestion budgétaire et en particulier ce dérapage de 22 millions d’euros ?
Quant à l’action « Industries culturelles », je note qu’après une amputation de ses crédits depuis deux ans, la subvention de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) progresse finalement de 2,5 millions d’euros pour atteindre 8,5 millions d’euros. Je le rappelle, l’activité de la HADOPI a elle-même progressé, puisque sur 361 dossiers transmis aux tribunaux depuis 2010, 169 l’ont été entre janvier et juillet 2015. Après cinq années de mise en oeuvre de la réponse graduée, jamais la HADOPI n’a traité autant de saisines depuis son lancement, contribuant à désengorger les tribunaux alors qu’elle n’était considérée que comme un instrument de répression. Je m’en félicite et c’est ici la preuve de l’utilité de cet organisme. Plusieurs propositions de réforme avaient pourtant été évoquées : qu’en est-il et comment envisagez-vous son avenir aujourd’hui ?
En conclusion, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, je m’abstiendrai au moment du vote de ces crédits.
Intervention au nom du groupe « Les Républicains »
Entre les crédits ouverts en loi de finances 2015 et les crédits demandés en PLF pour 2016, on note une baisse de 15,8 %, qui s’élève à 21,5 % si l’on anticipe la disparition totale de la dotation de France Télévisions l’an prochain. On saisit rapidement les équilibres de cette mission « Médias, livre et industries culturelles » : les aides à la presse sont reconduites, du moins au sein du programme 180, les crédits du livre et des industries culturelles sont en hausse, notamment sous l’effet d’un changement de périmètre, tandis que les crédits en faveur de l’audiovisuel disparaissent, laissant ainsi dans le programme 313 les seuls crédits dédiés aux radios locales.
J’ai plusieurs remarques et plusieurs questions.
Sur la presse, à l’exception de la baisse notable de 8 % des aides au transport postal qui figurent dans la mission « Économie », le programme presse semble stabilisé, voire fossilisé dans l’attente de nouvelles décisions du Gouvernement. Seule évolution notable, la hausse des aides au pluralisme sous l’effet de l’extension aux périodiques des aides à la presse IPG – titres d’information politique et générale – à faibles ressources publicitaires. En juin dernier, vous annonciez l’ouverture du fonds stratégique pour le développement de la presse à de nouveaux acteurs. Or, dans votre budget, les crédits de ce fonds sont en baisse, ce que regrette également notre rapporteur Michel Françaix pour d’autres raisons. Comment expliquez-vous ce choix ?
Par ailleurs, Google lance un nouveau fonds d’aides, européen cette fois, qui prend la suite du Fonds pour l’innovation numérique de la presse et doté de 150 millions d’euros. Vous avez récemment annoncé la création d’un nouveau fonds de soutien à la création d’entreprises de presse : sera-t-il également un outil d’accompagnement du secteur vers le numérique ? Comment va-t-il se positionner par rapport au fonds Google et comment sera-t-il financé ?
Ensuite, s’agissant des industries culturelles, je me réjouis, au nom de mon groupe, de la hausse des crédits de la HADOPI à 8,5 millions d’euros, même si cette hausse revient en réalité à une stabilisation, l’institution ayant puisé dans son fonds de roulement pour hisser sa dotation de 2015 – de 6 millions d’euros – au niveau des 8,5 millions accordés en 2016. Sachant également que cette dotation est inférieure aux 9 millions d’euros demandés par l’institution et aux 10 millions dont elle aurait besoin pour effectuer l’ensemble de ses missions légales.
Mais, madame la ministre, quel chemin parcouru depuis la mort annoncée de l’institution en 2012, puis le projet de sa dissolution dans le CSA ! Je note même que vous avez parlé de son efficacité pédagogique en répondant à mes précédentes questions.
Enfin, concernant l’audiovisuel public, je commencerai par noter deux grandes évolutions plutôt positives dans les budgets des organismes de ce secteur.
Le Gouvernement semble enfin respecter ses engagements, en cessant de proposer des niveaux de parts de redevance ou dotations en retrait de plusieurs millions par rapport aux COM des organismes. Et il semble presque en avoir fini avec les prélèvements tous azimuts sur les fonds de roulement des institutions, à l’exception d’Arte France, qui se voit encore prélever 2,8 millions d’euros en 2016.
En revanche, notre groupe ne peut accueillir favorablement la manière dont vous disposez de la taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE).
L’article 20 du PLF amendé par nos collègues de la majorité augmente le taux de cette taxe et affecte directement le produit de la hausse – 75 millions d’euros en PLF initial puis 140,5 millions après amendement du Gouvernement – à France Télévisions, tout en supprimant l’intégralité de sa dotation. Cette opération a le mérite d’augmenter les recettes du groupe de 25 millions d’euros par rapport au PLF initial et de 2,7 % par rapport à 2015.
Toutefois, derrière cette hausse espérée des ressources, se cachent deux pièges, dénoncés par notre collègue Franck Riester.
Premièrement, le Gouvernement ne respecte pas la volonté du législateur de 2009, qui souhaitait le reversement de l’équivalent de l’ensemble du produit de la taxe à France Télévisions. On admirera ce tour de passe-passe ; madame la ministre, vous attribuez à France Télévisions une partie d’une taxe dont la totalité devrait lui revenir, et il faudrait s’en féliciter ! En effet, supprimer la dotation au groupe tout en gardant le produit de la taxe dans les caisses de l’État était déjà contestable. Mais, dans le même temps, augmenter cette taxe, en dépit d’ailleurs de toutes les promesses gouvernementales, et affecter directement le produit de cette augmentation à France Télévisions, en conservant le reste de la taxe dans le Trésor public, relève d’un raisonnement pour le moins étonnant.
Mais il y a plus problématique. Cette affectation directe fait peser un risque juridique sur l’existence même de la taxe, malgré les arguments que vous avez donnés en séance publique lors de l’examen de l’article 20. Le Conseil constitutionnel et les institutions de Bruxelles ont validé la taxe du fait même de sa non-affectation. Il serait dommage de mettre en péril un dispositif déclaré conforme alors même que France Télévisions a besoin des 25 millions d’euros promis, lesquels ne suffiront pas à compenser son déficit en 2016.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains s’abstiendra sur les crédits de la mission.