( *Source : note de conjoncture â Gilles CARREZ â PrĂ©sident de la Commission des finances de lâAssemblĂ©e nationale )
La prĂ©vision de 2,7% retenue par le Gouvernement est aujourdâhui largement contestĂ©e (notamment par la Commission europĂ©enne et le Haut Conseil des Finances Publiques) pour plusieurs raisons :
- Cette hypothĂšse de croissance est trop optimiste: le taux de croissance de 1,5 %, est supĂ©rieur Ă l’ensemble des anticipations des organisations internationales !
- Nous assistons Ă une forte croissance des dĂ©penses publiques dans le projet de loi de finances, avec une hausse de la dĂ©pense en valeur de 1,6 % en 2017 (alors quâelle Ă©tait encore estimĂ©e Ă 1,1% dans le Programme de stabilitĂ©) et ce malgrĂ© de nombreuses sous-budgĂ©tisations ( sous-budgĂ©tisations rĂ©currentes observĂ©es au cours des annĂ©es passĂ©es au sein du budget de l’Ătat -2,5MdâŹ- ; recapitalisation d’Areva par l’Ătat -2,5MdâŹÂ ; la sous-estimation des dĂ©penses de lâAssurance maladie -0,5MdâŹ- ; la sous-estimation des dĂ©penses de lâUnĂ©dic -1,5MdâŹ- )
- Nous subissons enfin des dĂ©penses nouvelles engagĂ©es par lâexĂ©cutif depuis le dĂ©but de lâannĂ©e, qui entreront en vigueur en annĂ©e pleine dĂšs 2017, Ă hauteur dâenviron 10 milliards dâeuros (plan emploi, revalorisation du point dâindice dans la fonction publiqueâŠ).
Considérant ces aléas, le déficit budgétaire réel devrait se situer aux alentours de 3,5% du PIB en 2017.
Plusieurs constats sâimposent donc :
PremiĂšrement, la prochaine majoritĂ© hĂ©ritera dâune situation budgĂ©taire dĂ©gradĂ©e, Ă la fois en 2017 et en 2018.
- Lâensemble des mesures de baisses dâimpĂŽts auront un effet diffĂ©rĂ© de lâordre de 6Md⏠sur le solde 2018, avec notamment la hausse du CICE, dont lâincidence sur le dĂ©ficit maastrichien est comptabilisĂ©e en N+1 (1,6MdâŹ) ; le nouveau crĂ©dit dâimpĂŽt pour lâemploi dâun salariĂ© Ă domicile (qui remplace une rĂ©duction dâimpĂŽt) pour 1,1MdâŹÂ ; la prolongation du crĂ©dit dâimpĂŽt pour la transition Ă©nergĂ©tique et son possible cumul avec lâĂ©co-PTZ (1,7MdâŹ) ; le nouveau crĂ©dit dâimpĂŽt pour lâĂ©conomie sociale et solidaire (0,45MdâŹ) ; enfin, une nouvelle tranche de baisse dâIS programmĂ©e en 2018 pour 1,1MdâŹ.
- Le Gouvernement a actionnĂ© des mesures de trĂ©sorerie qui amĂ©liorent artificiellement et momentanĂ©ment les comptes 2017, mais qui dĂ©graderont dâautant 2018 (5,5MdâŹ) : câest le cas avec la rĂ©duction du solde grĂące Ă une recette exceptionnelle de 4,3Md⏠par une rebudgĂ©tisation dâun compte de soutien aux exportations ; câest aussi le cas avec les mesures dâavance de trĂ©sorerie sur 2017 de la part des entreprises (1,2MdâŹ).
- En terme de dĂ©penses, beaucoup de mesures programmĂ©es et annoncĂ©es nâauront un effet sur le dĂ©ficit quâĂ partir de 2018. Ainsi, le 3Ăšme programme dâinvestissement dâavenir nĂ©cessitera environ 2MdâŹÂ de dĂ©caissements par an Ă partir de 2018 ; le programme de constructions de nouvelles places de prison coutera 2 Md⏠sur plusieurs annĂ©es) ; la rĂ©forme des grilles et la transformation de quelques primes en point dâindice prĂ©vues dans le cadre de la nĂ©gociation « PPCR » prĂ©sente un coĂ»t estimĂ© par la Cour des Comptes Ă 4,5 Ă 5Md⏠pour lâensemble de la fonction publique Ă lâhorizon 2020 ; les programmes trĂšs haut dĂ©bit sont aussi uniquement financĂ©s avec des autorisations dâengagement ;
Considérant ces aléas qui devraient représenter, là encore, environ 1 point de PIB, le déficit budgétaire devrait se situer aux alentours de 4,5% du PIB en 2018 à politique inchangée.
DeuxiĂšmement, le Gouvernement a imposĂ© une politique fiscale guidĂ©e par lâidĂ©ologie et nĂ©faste aux entreprises :
- L’AssemblĂ©e nationale a introduit plusieurs articles qui pĂ©nalisent lâattractivitĂ© et la compĂ©titivitĂ© de notre pays : câest notamment le cas avec la remise en cause du rĂ©gime fiscal et social des actions gratuites, qui rĂ©sultait de la loi dite Macron, sans qu’aucun bilan n’ait encore Ă©tĂ© dressĂ©.
- La rĂ©duction proportionnelle de l’impĂŽt sur le revenu, en faveur de 7 millions de foyers fiscaux, pour un coĂ»t de 1 milliard d’euros vient encore compliquer l’impĂŽt et brouiller la lisibilitĂ© du barĂšme. Surtout, lâimpĂŽt se concentre sur un nombre toujours plus rĂ©duit de contribuables (moins de 45% de foyers fiscaux en 2017).
- Les prorogations de crĂ©dits d’impĂŽt se font la plupart du temps sans Ă©valuation, comme pour le crĂ©dit d’impĂŽt pour la transition Ă©nergĂ©tique, le CITE, alors que la Cour des comptes vient de rappeler les limites de ces dĂ©penses fiscales en faveur du dĂ©veloppement durable.
En conclusion, la majoritĂ© gouvernementale issue des Ă©lections de 2017 verra ses marges de manĆuvre considĂ©rablement rĂ©duites, beaucoup plus quâen 1986, 1993 ou mĂȘme 2002. Aussi bien dâun point de vue budgĂ©taire que fiscal, cet hĂ©ritage sera trĂšs pesant.
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