Débat sur la situation et l’avenir de l’agriculture

Débat sur la situation et l’avenir de l’agriculture

Débat sur la situation et l’avenir de l’agriculture 2448 3264 Virginie DUBY-MULLER
Séance du 29 septembre. Intervention d’Antoine HERTH,
au nom du groupe Les Républicains

IMG_5542Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l’agriculture est bienvenu, tant la crise qui frappe la ferme France est profonde et violente, mais il arrive bien tard. Je crains que sa vocation première ne soit de permettre au Gouvernement et à sa majorité de sauver les apparences.

Si vous aviez pris le temps, monsieur le ministre d’aller au SPACE – Salon international des productions animales – à Rennes, comme je l’ai fait, ou encore à la finale du concours national de labour en Lorraine, vous auriez eu l’occasion de mesurer le désarroi des paysans.

Beaucoup d’éleveurs sont désespérés et j’en ai vu qui pleuraient en décrivant le drame économique et humain qu’ils vivent. Ce sont des familles qui souffrent et des pans entiers de l’économie rurale qui vacillent, car tous les sous-traitants sont touchés de plein fouet. Il est vrai que la conjoncture est particulièrement défavorable, comme si le XXIème siècle renouait avec les sept plaies de l’Égypte antique. Cette crise révèle surtout la fragilité structurelle des filières agricoles françaises et, partant, de votre politique.
Lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, le mot de « compétitivité » vous excédait. Il ne fallait parler que de l’agroécologie, qui était, selon vous, la solution à tous les problèmes. Mais les agriculteurs ne sont pas dupes. Votre concept est d’abord une espèce de motion de synthèse entre les divers courants du PS, des radicaux et des écologistes, soit votre programme commun en quelque sorte.

Pour savants qu’ils soient, ces éléments de langage ne suffisent pas à cacher l’absence d’une ligne politique claire et d’une vision prospective. Où sont les projections économiques et sociales à quinze ou vingt ans ? Où sont les études de marché ? Où sont les mesures d’assurances ? Où sont les économies de charges ?

Décidément, cette loi agricole fera partie des actes manqués du quinquennat.

Venons-en aux sept plaies. Le ralentissement de la demande mondiale a pesé dans le marasme que connaît notamment la production laitière. Lorsque l’export se ferme, la concurrence se joue à huis clos, sur le prix bas. Or, la France n’est pas la mieux placée, à cause d’un excès de charges et de contraintes normatives. Une mesure devait apporter un peu d’oxygène aux producteurs et aux transformateurs, celle de la TVA emploi que votre majorité s’est empressée de supprimer dès 2012. Le Président de la République confesse à présent que cela a été une erreur.

C’est bien de le reconnaître. Mais que propose la gauche pour après ? Rien visiblement, comme suite à l’embargo décrété contre la Russie alors que nous savons que les éleveurs de porcs en sont les premières victimes. Ni l’Europe ni la France n’ont pris des dispositions efficaces pour compenser l’impact de cette décision politique, que chacun respecte par ailleurs. Vous annoncez 30 millions pour moderniser les battoirs, mais vous savez comme moi que chaque abattoir de France consomme 500 000 euros par an de plus pour ses charges salariales qu’un abattoir allemand. Dès lors que valent 30 millions ?

Beaucoup de producteurs savent qu’ils ne survivront pas à cette crise ; d’autres découragent leurs enfants de s’engager dans l’aventure. Ce n’est plus le dépit, c’est le désespoir qui les habite. Mais le pire, c’est qu’il n’y a personne pour les écouter, encore moins pour les plaindre. Alors que l’Allemagne et l’Espagne développent leurs unités, il y a en France comme une résignation à voir disparaître cette production, à l’instar de la sidérurgie selon les observateurs. C’est oublier que chaque éleveur de porcs emploie sept personnes et que la fatalité ne fait pas partie du vocabulaire des paysans.

L’été arrivant, nos campagnes ont été frappées par la sécheresse, et vous avez oublié d’en parler : l’herbe est rare, les granges vides et les cultures estivales ont fortement souffert. À cet endroit de mon intervention, il est bon de rappeler la séquence de Sivens : à l’époque, pour être politiquement correct, il fallait demander la réduction de la taille du projet de retenue d’eau et condamner l’agriculture dite « intensive ». Or chacun sait que la maîtrise de l’eau est un facteur stratégique pour les agricultures, sous toutes leurs formes, pour qu’elles puissent faire face au réchauffement climatique. Ce n’est pas d’une réserve d’eau que la France a besoin, mais de 100, 500, peut-être de 1 000.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, la fièvre catarrhale ovine a de nouveau frappé en Auvergne, touchant à la fois les bovins et les ovins. Mais je tiens à saluer, monsieur le ministre, la célérité avec laquelle vos services ont réagi et l’annonce que des vaccins vont être distribués. Je souhaite que les éleveurs concernés puissent très vite retrouver leurs marchés. Cette réactivité, que je salue à nouveau, tranche avec la lenteur habituelle de l’administration : dès qu’il faut une autorisation, remplir un formulaire – comme ce fut le cas cette année pour les dossiers de la PAC –, le quotidien des agriculteurs se transforme en galère. M. Macron a beau déclarer, lors de l’inauguration de la Foire européenne de Strasbourg : « Je veux que l’administration passe d’une une logique de contrôle à une logique de conseil », la réalité est malheureusement toute autre. Notre administration est devenue tatillonne, obtuse et souvent arrogante, allant jusqu’à débarquer dans la cour des fermes entourée de gendarmes.

Mais il n’y a pas que l’application de la réglementation qui mérite d’être revue : c’est la réglementation elle-même qui pose problème, car elle est surabondante, contradictoire, stérilisante. À cet égard, le mal s’enracine dans cet hémicycle. En effet, pour faire plaisir à vos amis ou pour jouer sur les subtils équilibres de votre majorité, vous avez fait voter une loi sur l’avenir de l’agriculture un jour et, le mois suivant, vous avez donné votre accord à des propositions de loi allant dans le sens opposé. Où est la cohérence ? Parfois, ce sont les ministres d’un même gouvernement qui, chacun dans leur domaine, prennent des dispositions négatives pour l’agriculture, comme s’il s’agissait de la soumettre au supplice chinois. Où est l’arbitrage interministériel de Matignon ?

Qui au sein de l’administration s’est jamais posé la question des conséquences économiques du retrait d’un produit de traitement ? Qui sait combien d’emplois nous avons perdus à cause d’une surenchère sur les nitrates, sur la publicité pour le vin, sur la protection du loup ! Il y a bien des études d’impact, mais elles se contentent de mesurer l’effet d’un projet de loi sur le budget de l’État, jamais sur les gains ou les pertes de compétitivité, c’est-à-dire sur notre capacité ou non à générer du PIB.

Enfin, la plus grande des plaies de notre agriculture est l’incapacité de notre élite à la regarder pour ce qu’elle est, à savoir extraordinairement diverse, riche de son histoire et forte de son ancrage dans chacun de nos territoires. Dans les forums, dans les colloques, l’intelligentsia ne jure que par le bio, à la rigueur par les produits fermiers, à peine par les appellations d’origine protégée. Or l’immense majorité de nos concitoyens plébiscite une alimentation standardisée et bon marché, souvent d’excellente qualité, d’autant plus qu’ils ne consacrent à l’alimentation que 12 % de leur pouvoir d’achat contre 29 % au logement. Le monde n’est pas binaire : il n’y a pas une agriculture qui mériterait tous les éloges et une autre, dite « industrielle », qu’il faudrait mépriser ; il y a une diversité de méthodes de production dont chacune sait tirer le meilleur parti d’un terroir grâce au travail patient de nos agriculteurs.

Aujourd’hui, nos agriculteurs ont perdu la patience. Ils ont besoin qu’on les écoute et qu’on les aide, ils veulent des prix rémunérateurs car leur travail vaut bien un juste salaire. Monsieur le ministre, vous avez bien essayé de décréter un prix du cochon à 1,40 euro le kilo, mais cela n’a pas fonctionné car vous n’avez pas la compétence pour fixer les prix agricoles. À présent, vous déversez quelques millions pour éteindre les incendies qui ravagent nos campagnes et pourrissent la vie des candidats de votre majorité aux régionales. Mais nos agriculteurs veulent une année blanche pour les charges d’emprunt et pour les cotisations sociales ; ils veulent savoir si les 62 millions d’euros que l’Europe leur accorde serviront bien à couvrir ces échéances, à leur permettre de garder la tête hors de l’eau. Cela tombe bien car ce sujet, lui, est de la compétence du Gouvernement, et, cette fois, vous n’aurez plus le droit à l’échec.

Si vous avez encore le courage d’aller à la rencontre des agriculteurs, sachez qu’ils manquent aussi du témoignage d’estime que vous pourriez leur apporter.

Je vous ai longuement et patiemment écouté, monsieur le ministre. Dans un premier temps, vous avez égrené des mesures techniques – je ne suis pas certain que même dix des députés présents puissent en faire le résumé après ce débat – ; et puis, dans un second temps, vous avez cherché la claque de la gauche en provoquant l’opposition : cette posture est symptomatique de ce que vous représentez au sein du Gouvernement, un véritable Janus, à la fois ministre de l’agriculture et porte-parole du Gouvernement, le matin à la rue de Varennes, l’après-midi rue de Solférino.

André Chassaigne a eu un mot très juste : les agriculteurs doutent en effet aujourd’hui de la crédibilité de la parole publique. Monsieur le ministre, il faut dès lors que vous remettiez de la cohérence dans l’exercice de vos fonctions parce qu’il en va de la crédibilité de l’action du Gouvernement.

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