M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe Les Républicains.
Mme Virginie Duby-Muller. Monsieur le Premier ministre, vous avez confirmé hier le versement d’une prime supplémentaire de 800 euros pour les enseignants du premier degré, ce qui correspond à un alignement sur la prime que perçoivent leurs collègues du second degré. C’est évidemment une bonne nouvelle pour les 330 000 professeurs des écoles concernés, dont les salaires sont faibles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) La nouvelle est cependant moins bonne pour nos finances publiques, puisque cela représente une dépense supplémentaire de près de 300 millions d’euros, bien sûr non financée.
Il est vrai qu’en matière éducative, le Gouvernement est passé à côté de son quinquennat. Vous méritez à cet égard un zéro pointé !
Nous avons eu la coûteuse réforme des rythmes scolaires, qui réunit contre elle la contestation des enseignants et le ras-le-bol des maires, et qui n’est pas adaptée à nos enfants. Nous avons eu aussi la réforme du collège, qui soulève une opposition significative des acteurs concernés. Vos assises de la refondation de l’école consistaient d’ailleurs uniquement en un exercice d’autosatisfaction.
Cette prime ressemble donc à un baroud d’honneur, pour sauver une partie de votre électorat. En réalité, ce n’est qu’un paquet de plus dans le grand sac de cadeaux électoraux que vous distribuez depuis le début de l’année : la hausse du point d’indice des fonctionnaires, le plan de formation des chômeurs, le plan exceptionnel de soutien à l’élevage, le plan en faveur de la jeunesse, le fonds de soutien en faveur des intermittents du spectacle… Au total, plus de 5 milliards d’euros de cadeaux catégoriels ont été annoncés qui ne sont en aucun cas financés !
Quel Français peut se permettre de dépenser ce qu’il n’a pas ? Vous, monsieur le Premier ministre, vous le faites, et le chéquier que vous partagez avec le Président de la République n’a visiblement pas de limites. Et, cerise sur le gâteau électoral, vous préparez même une baisse d’impôt pour 2017, alors que les Français paieront dans le même temps, pour la première fois, plus de 1 000 milliards d’euros de prélèvements obligatoires. Cette nouvelle annonce n’est finalement que la tentative désespérée de reconquérir l’opinion, mais les Français ne sont pas dupes.
Monsieur le Premier ministre, ouvrir les vannes avant les élections est une vieille manœuvre. Ne croyez-vous pas qu’après quatre ans de matraquage fiscal et d’espoirs déçus sur tous les pans de votre politique, la ficelle est un peu grosse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, je vous réponds bien volontiers, parce que votre question est l’occasion d’ouvrir un débat. Le Gouvernement fait des choix, des choix justes, qu’il assume, et que je veux assumer pleinement en vous répondant.
Oui, nous avons choisi d’augmenter l’indemnité annuelle de suivi et d’accompagnement des élèves des enseignants du primaire de 800 euros nets dès la rentrée prochaine. Je l’ai annoncé hier, Mme la ministre de l’éducation nationale vient d’en rappeler les modalités. Et nous assumons ce choix parce que, madame la députée, les enseignants de ce pays méritent d’être pleinement respectés et soutenus dans leur mission essentielle.
Mettez-vous donc d’accord avec vous-même : soit on les respecte et on les augmente, soit on ne les augmente pas et alors on ne les respecte pas. Il faut faire un choix clair.
Pour notre part, nous avons tenu parole en agissant pour que l’éducation nationale redevienne en 2015, avec 65 milliards d’euros, le premier poste budgétaire de l’État. Et nous avons tenu parole en engageant la création de 60 000 postes couvrant tous les métiers de l’éducation nationale alors que vous, et cela a déjà été rappelé hier, vous avez supprimé au cours du quinquennat précédent 80 000 postes d’enseignants.
Nous avons choisi en effet, madame la députée, de revaloriser de 1,2 point l’indice des fonctionnaires. Ces derniers ont également largement contribué à l’effort de redressement national, et c’est une marque de considération légitime pour ces agents qui assurent au quotidien l’accessibilité et la qualité du service public, souvent au plus près des Français. Là aussi, madame la députée, je suis prêt à débattre avec ceux qui considèrent que l’État et les services publics sont indispensables pour la cohésion nationale et qui, comme vous, proposent la suppression de 300 000 fonctionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.) Ce débat doit avoir lieu devant le pays.
Oui, nous avons choisi, madame la députée, de consacrer 600 millions d’euros à la formation des chômeurs, parce que nous voulons tout faire pour l’emploi.
Oui, madame la députée, nous l’assumons. Nous direz-vous que vous n’êtes pas d’accord ? Êtes-vous d’accord ou non avec le fait d’avoir décidé d’engager 1,3 milliard d’euros pour soutenir les agriculteurs ? C’est un débat que nous pouvons avoir.
D’une manière générale, madame la députée, il ne s’agit pas de cadeaux. Quelle vision ! Quel mépris des agriculteurs, du service public, des enseignants, des fonctionnaires en général quand on parle de cadeaux et d’électoralisme ! Ce pays, la France, s’est construit – et sa colonne vertébrale est ainsi faite – autour d’un État, de services publics qui ne sont pas désincarnés. Ce sont des hommes, des femmes, des agents qui travaillent pour l’intérêt général et pour les Français.
Et vous avez oublié de mentionner, ce qui est assez curieux mais plutôt intéressant, l’effort engagé notamment par le ministre de l’intérieur pour soutenir les policiers et les gendarmes, dont l’un de vos collègues parlait voilà un instant. Policiers et gendarmes viennent en effet de bénéficier d’une augmentation non seulement des moyens humains – 9 000 postes ont été créés au cours de ce quinquennat, alors que Bernard Cazeneuve a rappelé que vous en aviez supprimé 13 000 – mais aussi du soutien matériel et de leur régime indemnitaire, et nous l’assumons. (Nouveaux applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.) Cela représente 800 millions d’euros, cela n’avait jamais été fait et la plupart des syndicats me soutiennent.
Alors oui, madame la députée, j’assume, nous assumons ces choix, et le ministre des finances y reviendra tout à l’heure. Nous le faisons en réalisant les économies nécessaires. Vous proposez la suppression de 300 000 postes de fonctionnaires, vous proposez des économies qui ne pourraient être financées que par des augmentations d’impôts, alors que pour notre part nous les baissons. Et si nous pouvons continuer d’agir ainsi nous le ferons. C’est cela, la solidarité et le sérieux budgétaire. Je vous attends pour un vrai débat, aujourd’hui et demain.
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