Séance du 16 novembre 2016
Projet de loi de finances 2017 / Mission Médias, Livre et Industries culturelles
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, mesdames et messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues,
nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner les crédits relatifs aux médias, au livre et aux industries culturelles.
Quelques mots tout d’abord sur la HADOPI, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, dont le budget est relevé à 9 millions d’euros. C’est le signe que le Gouvernement est sorti du jeu d’asphyxie budgétaire qu’il pratiquait en début de quinquennat à l’endroit de la Haute Autorité, et nous nous en félicitons. Il faut rappeler que la subvention du ministère a baissé de 50 % entre 2011 et 2015 et que ses résultats sont déficitaires depuis 2013, malgré des prélèvements importants sur son fonds de roulement. Pourtant, après six années de mise en œuvre de la réponse graduée, jamais la HADOPI n’a traité autant de saisines, contribuant à désengorger les tribunaux, alors qu’elle n’était considérée que comme un instrument de répression. C’est la preuve de l’utilité de cet organisme. Pour 2017, le Gouvernement prévoit une hausse des crédits afin de permettre « le retour progressif à un fonctionnement normal de l’institution ». La Haute Autorité devra notamment pouvoir traiter la totalité des saisines qu’elle reçoit et prendre en charge l’indemnisation due aux fournisseurs d’accès à internet, dans le cadre de la réponse graduée.
Vous connaissez bien la déception éprouvée par l’ensemble de la filière lors de l’abandon du projet de Centre national de la musique en début de quinquennat. Lors du MIDEM, en juin, une réactivation éventuelle du projet et la reprise du chantier par le CNV ont été évoquées. Vous venez d’annoncer le déplafonnement des ressources de l’institution, combat porté par le président de la commission, Patrick Bloche ; je salue ce revirement, bien qu’il soit tardif.
Sur l’audiovisuel public, madame la ministre, nous nourrissons beaucoup de regrets. Vous avez essuyé un revers avec l’annulation de la hausse exceptionnelle de un euro de la contribution à l’audiovisuel public lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. C’est une preuve d’inconstance car il avait été promis, lors du dernier débat budgétaire en 2015, que la CAP, qui a augmenté de 7 euros hors inflation depuis 2013, ne subirait plus de nouvelles augmentations. C’est aussi une preuve de frilosité, car vous avez renoncé à effectuer une véritable réforme de la redevance. Il était savoureux de vous entendre dire qu’il faudrait réfléchir à cette question l’année prochaine. Il serait temps !
Votre gouvernement se révèle finalement irresponsable : votre proposition retoquée par le Parlement, vous vous trouvez face à un risque, celui d’hypothéquer la crédibilité des budgets prévisionnels de l’ensemble des opérateurs de l’audiovisuel public, dont les contrats d’objectifs et de moyens, négociés pour la période 2016-2020 reposent sur une CAP revalorisée de 2 euros. Le rapporteur pour avis Michel Pouzol l’a rappelé en commission élargie, et vous avez reconnu que le produit de la TOCE était naturellement moins dynamique qu’une redevance augmentée d’ 1 euro.
Ces péripéties ne font que souligner en creux le défaut de pilotage de l’État face aux entreprises du secteur, ce que confirme d’ailleurs le rapport de la Cour des comptes sur la situation économique de France Télévisions. Celui-ci dénonce des dérives de gestion, une fragilité financière, une réorganisation inaboutie, mais il acte aussi la nécessité pour l’État « de faire évoluer le modèle économique de France Télévisions et de consolider la trajectoire de ses recettes ». Cela se trouve aux antipodes de ce que fait la tutelle, qui navigue à vue depuis 2012.
Je conclurai d’ailleurs mon propos sur l’audiovisuel public en évoquant France Télévisions. Nous nous félicitons d’un projet de Contrat d’objectifs et de moyens qui prévoit des budgets à l’équilibre jusqu’à 2020. Malgré ces belles promesses, nous avons des inquiétudes sur le compte de résultat prévisionnel présenté dans le COM, qui nous semble bien fragile. Hors nouvelles recettes, le résultat opérationnel du diffuseur reste déficitaire – moins 2,2 millions d’euros en 2017 – et ce, jusqu’en 2020. Or il existe des incertitudes sur ces nouvelles recettes, notamment sur le projet d’abonnement payant au service de vidéo à la demande.
Force est de constater que ce COM intervient à un an de l’élection présidentielle. Le Gouvernement, qui n’a pas respecté les précédents COM pendant quasiment tout le quinquennat en faisant voter des budgets bien inférieurs aux trajectoires financières prévues, promet maintenant des augmentations de ressources importantes en année électorale. Évidemment, l’essentiel de l’augmentation intervient dès 2017 avec 38 millions d’euros supplémentaires. Comme c’est le cas des autres opérateurs, voilà France Télévisions qui risque de devoir s’en remettre aux promesses du Gouvernement, lequel, dans tous les domaines, lâche les cordons de la bourse à la veille de la présidentielle.
S’agissant des crédits à la presse, je souhaite revenir sur plusieurs points que j’ai développés dans mon rapport pour avis, présenté en commission des affaires culturelles et en commission élargie. Il faut signaler que la comparaison du montant total des aides à la presse inscrites au PLF 2017 avec celui de la loi de finances initiale pour 2016 est rendue difficile en raison du changement de périmètre du programme 180. On note une augmentation, liée à l’octroi de 5 millions d’euros supplémentaires à l’AFP. En mettant de côté cette dotation supplémentaire, on constate que le montant des aides directes à la presse reste stable dans le PLF 2017, et qu’il cache des évolutions contrastées.
Dans le cadre de ce rapport, j’ai choisi de me pencher plus particulièrement sur les politiques publiques de soutien à la presse en ligne, car l’année 2016 a été, et continue d’être, extrêmement riche à cet égard : elle marque un changement de paradigme, au niveau tant national qu’européen. La création du Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse traduit l’amorce d’une nouvelle approche : pour la première fois, la puissance publique ne se contente plus de soutenir financièrement des médias existants, dans une logique conservatoire, mais suscite au contraire, dans une logique d’innovation, la création de nouveaux médias. On peut toutefois regretter que ce fonds ne soit doté que de 5 millions d’euros.
En Europe, l’année 2016 a vu les lignes commencer à bouger : avec la révision de la directive de 2001 sur le droit d’auteur, la Commission a lancé en mars dernier une consultation publique sur le rôle des éditeurs dans la chaîne de valeur du droit d’auteur. La France y a répondu en s’appuyant sur le rapport de Laurence Franceschini, qui préconise la création, au niveau européen, d’un droit voisin spécifique aux éditeurs de presse et portant sur un droit de reproduction lié aux seuls usages numériques et sur un droit de mise à disposition du public. Je tiens à alerter le Gouvernement sur la nécessité de saisir cette « fenêtre de tir », pour inclure les agences de presse dans le champ des réflexions.
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