Publiée le 10 mars 2020
Mme Virginie Duby-Muller interroge M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites, sur l’impact, pour les avocats, d’une entrée dans le régime universel de retraite voulu par le Gouvernement. Leurs cotisations retraite passeraient alors de 14 à 28 % pour au moins la moitié des 70 000 avocats et ce, sans augmentation des pensions servies, voire, le plus souvent, avec une diminution de celles-ci. Face à cette situation, elle s’interroge sur l’opportunité d’étendre à la profession d’avocat le régime de la microentreprise. L’application de ce régime pourrait amoindrir la situation que vont connaître les avocats dans les prochaines années. Aussi, elle souhaite connaître son analyse sur cette question.
La Caisse nationale des barreaux français (CNBF) a été créée en 1948 en tant que section professionnelle de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales et est devenue autonome en 1954. Elle gère le régime d’assurance vieillesse de base en annuités, le régime d’assurance vieillesse complémentaire en points et le régime invalidité-décès des avocats dès leur inscription au barreau qu’ils exercent une activité non salariée ou salariée. Les régimes de base et complémentaires de la CNBF sont aujourd’hui excédentaires, mais cela est dû à la situation démographique actuelle de la profession d’avocat et non au mode de gestion de la caisse. En effet, d’après la CNBF, celle-ci compte aujourd’hui 5,1 cotisants pour 1 retraité (droits directs), alors qu’au régime général cette proportion est deux fois plus faible. Ce ratio démographique permet à la CNBF de servir des prestations d’un bon niveau, alors que les taux de cotisation sont parmi les plus faibles des travailleurs indépendants. Toutefois, le rapport démographique des affiliés de la CNBF est amené à décroitre au cours des décennies à venir : déjà sur une pente fortement décroissante (en 2006, 8,9 cotisants pour 1 retraité de droit direct ; en 2015 6 cotisants pour 1 retraité de droit direct), celui devrait atteindre 2,7 cotisants pour 1 retraité en 2040 de droit direct et 1,2 cotisant pour 1 retraité en 2060 de droit direct, d’après les projections de la CNBF. Avec la décroissance de la ration démographique, les excédents des régimes gérés par la CNBF diminueront aussi : d’après les projections de la CNBF, le régime de base serait en déficit en 2043 et ne serait plus en mesure d’honorer le paiement de l’ensemble des prestations en 2057, du fait de l’épuisement des réserves cette année-là. Un jeune avocat qui prête serment aujourd’hui et qui envisage de prendre sa retraite au cours des années 2060 est donc assuré de ne pas pouvoir obtenir des prestations du régime de base aussi généreuses que celles servies aux avocats honoraires aujourd’hui. Pour le régime complémentaire des avocats, la situation est similaire, même si les échéances sont plus lointaines : le régime sera déficitaire à partir de 2059 et ne sera plus en mesure d’honorer l’ensemble de ses engagements en 2086, d’après les projections de la CNBF. Cet horizon plus lointain est le fait des efforts demandés aux jeunes générations d’avocats, pour lesquelles la CNBF a prévu d’augmenter les cotisations et de baisser leur rendement, à horizon 2029. A cette date, un euro cotisé rapportera environ 25 % de droits en moins qu’aujourd’hui. Ces projections sur la situation financière de la CNBF ne prennent pas en compte les difficultés financières provoquées par la crise sanitaire. Le régime de retraite de base des avocats participe au mécanisme de la compensation démographique, qui conduit les régimes bénéficiant d’une bonne santé démographique à financer une partie des déficits des régimes souffrant d’une situation démographique dégradée. C’est à ce titre que le régime de base des avocats a versé 96 M€ en 2019, principalement au régime de base des agriculteurs, qui compte plus de retraités que de cotisants. Ce mécanisme, qui est un mécanisme démographique et non un effort de solidarité, est commun à l’ensemble des régimes de retraite de base et n’est donc pas spécifique au régime des avocats. Comme vous le savez, le Président de la République annoncé le 16 mars dernier que les réformes en cours, dont la réforme des retraites, étaient suspendues, en raison de la crise sanitaire. Le Gouvernement avait eu de nombreux échanges avec les représentants des avocats dans le cadre de l’élaboration de la réforme des retraites. Le Gouvernement avait alors pris des engagements clairs sur 3 aspects : le montant des cotisations, le niveau des pensions et le maintien de la Caisse Nationale des Barreaux français (CNBF). S’agissant des cotisations, il n’y aura aucun effort de charge imposé par la réforme des retraites jusqu’en 2029. Grâce au changement d’assiette sociale (avec un abattement de 30 %), l’impact du système universel aurait été d’un maximum de 5,4 points de hausse de cotisation pour les avocats d’ici 2040. Afin d’éviter ces hausses de cotisations pour les avocats les plus vulnérables, le Gouvernement a proposé plusieurs dispositifs possibles : le maintien d’un mécanisme de solidarité interne à la profession (amendement n° 42467 déposé par le Gouvernement) ou l’utilisation d’une partie des réserves de la CNBF. Ce dispositif de solidarité était conçu pour prendre en charge toute hausse de cotisation pour les avocats dont le revenu est inférieur à 80 000€. S’agissant du niveau des pensions, les projections effectuées et transmises aux représentants des avocats confirment que les avocats percevront une pension supérieure à celles du système actuel de la CNBF : – de 13 % pour un avocat qui perçoit un revenu de 32 000 euros – de 24 % pour un avocat qui perçoit un revenu de 40 000 euros – de 11 % pour un avocat qui perçoit un revenu de 80 000 euros. Enfin, le Gouvernement s’était engagé à ce que les avocats conservent une caisse qui resterait l’interlocuteur unique de la profession. La CNBF pourra gérer l’ensemble des dossiers de retraites de l’ensemble des avocats. La CNBF pourrait gérer l’ensemble des dossiers retraites de l’ensemble des avocats. Elle continuerait de gérer l’ensemble des réserves financières qui resteraient toujours sous le contrôle de la profession. Les réserves de la CNBF seraient donc restées à la disposition de la profession et n’auraient pas vocation à être absorbées par le régime universel. Le Gouvernement a ainsi constamment cherché des réponses aux inquiétudes de la profession.