Virginie DUBY-MULLER était l’orateur du groupe UMP pour la CMP du
Projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public
(seul le prononcé fait foi)
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la commission des affaires culturelles,
Monsieur le Rapporteur,
Chers Collègues,
Nous voici réunis ce matin pour clore notre débat sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, et avant toute remarque sur le fond, je souhaiterais faire plusieurs remarques de méthode.
En première Lecture à l’Assemblée, notre Groupe déplorait déjà à la fois le périmètre de la loi et le choix du gouvernement de déclarer l’urgence sur ce texte. La suite de son examen nous a donné raison.
En effet, le choix du gouvernement de faire voter une « petite loi » dans l’attente d’une grande loi que nous ne voyons pas venir, a provoqué la tentation des députés de la majorité de déposer des amendements élargissant considérablement l’objet du texte. C’est ainsi qu’ont été votées à la sauvette des mesures aussi importantes que le passage du payant au gratuit et inversement, sans étude d’impact préalable. C’est ainsi aussi que ce texte qui portait principalement sur la nomination des présidents de l’audiovisuel public est aujourd’hui un texte sur les pouvoirs du CSA.
Mais il y a plus grave : les sénateurs ayant cédé à la même tentation et en vertu de la procédure accélérée, nous voici donc aujourd’hui à quelques minutes de nous prononcer sur un texte dont des dispositions importantes n’ont pas même été débattues à l’Assemblée. Je pense notamment aux mesures sur la coproduction, sur lesquelles le statut quo s’est imposé en commission mixte paritaire un peu par défaut. En l’absence de recul sur cette mesure, par manque de temps, faute d’avoir pu mener les consultations qui s’imposaient, et alors même qu’une mission est en cours sur le sujet, voilà une disposition inscrite dans la loi qui ressemble peu à une réforme réfléchie et dont on ne connaît pas les effets.
De même les dispositions relatives aux SMAD ont été inscrites dans le texte à l’insu des députés et au mépris de la procédure de consultation actuellement menée par la DGMIC.
On ne peut s’empêcher de penser que ces nouvelles dispositions sont des mesures d’appel qui seront nécessairement revues à l’occasion d’un prochain texte, ce qui décrédibilise l’initiative parlementaire.
Me voilà donc, jeune députée, un peu déçue par cette manière de légiférer au lance-pierre. Si le gouvernement avait pris ses responsabilités en présentant une réforme d’envergure, ainsi que laissait l’espérer la présentation du rapport Lescure, nous ne serions pas restés sur ce sentiment d’avoir été privés de débat. Mais on peut comprendre que l’échéance prochaine des mandats de l’un des présidents de l’audiovisuel public ait pressé quelque peu le gouvernement.
Sur le fond ensuite, l’examen du texte par les sénateurs et les décisions prises en commission mixte paritaire ne change pas la position de notre Groupe sur ce texte.
Au cours de nos débats, nous avions bien compris que la notion d’indépendance était, contre toute attente, source de clivage entre la majorité et l’opposition. Et pour cause, pour nous, parler de l’indépendance de l’audiovisuel public, c’est parler de l’indépendance financière des sociétés du secteur public. Pour vous, garantir l’indépendance de l’audiovisuel public, c’est revenir à un mode de nomination qui était déjà en vigueur en 1982.
En effet, vous confiez ce pouvoir de nomination au Collège du CSA. Et vous dites Mme la Ministre, que le changement du mode de nomination des membres du CSA, avec avis conforme des commissions, est une révolution. Votre raisonnement est le suivant : l’indépendance du Collège garantira l’indépendance des nominations auxquelles il procède. Mais il y a un petit maillon qui vient enrayer cette chaîne vertueuse de l’indépendance : le président du Collège reste nommé par le Président de la République.
Pour aller au bout de votre logique, et je ferai mienne cette remarque de Jacques Legendre, il aurait fallu laisser le CSA élire lui-même son président. Nous sommes donc au milieu du gué : l’avis conforme des commissions ressemble à un lot de consolation pour le Parlement qui ne pourra plus exercer son pouvoir de contrôle des nominations des présidents de l’audiovisuel public. Si le lien avec la présidence de la République avait été cassé, cet avis conforme des commissions aurait ressemblé au gros lot, c’est certain. Mais ce n’est pas le cas et en l’état actuel des choses, votre loi s’apparente à un énième petit détricotage qui rendra les nominations des présidents de l’audiovisuel public moins transparentes, mais certainement pas moins politiques.
En outre, cela mérite d’être redit, les prochaines nominations seront effectuées par un CSA qui ne sera pas encore auréolé d’une indépendance incontestable –au sens vous l’entendez du moins. En effet, en mai 2014 prochain, date de la fin de mandat de M. HEES, le collège n’aura pas été nommé avec avis conforme de nos commissions. Cette absence de parallélisme des formes, que vous avez évacuée tout au long de débat, prouve bien que nous avons affaire à une loi d’affichage. La prétendue révolution que vous nous proposez mérite au moins une petite révolte de notre part.
Non mes chers collègues de la majorité, vous qui souhaitiez à tout prix éliminer « le doute » et la « suspicion » qui pèsent soi-disant sur les présidents des sociétés nationales de programme, vous ne vous êtes pas donné les moyens de lutter contre une éventuelle présomption de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif.
A noter également qu’il n’était pas évident de revenir à un mode de nomination confié au CSA : pouvoir de nomination et pouvoir de régulation dans un même secteur ne font pas bon ménage. Comme l’a dit notre collègue Franck Riester à plusieurs reprises, c’est comme si le Président de l’Arcep nommait le PDG d’Orange. Or, la concurrence existe entre opérateurs audiovisuels privés et publics, que ce soit en matière de marché publicitaire ou d’attribution de fréquences, comme en atteste l’existence de contentieux entre ces opérateurs. Ce n’est donc pas parce que le CSA avait ce pouvoir de nomination avant 2009 qu’il était logique d’y revenir, bien au contraire.
Toutes les « avancées démocratiques majeures » que vous nous présentez ont non seulement un petit goût de déjà-vu mais sont en plus largement contestables.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Groupe UMP votera contre ce texte.
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