Proposition de loi visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire (Claude de GANAY N° 332)
Intervention de Virginie DUBY-MULLER dans le cadre
de la discussion générale :
Madame la Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers collègues,
« Violences scolaires : une rentrée chahutée »
Tel était le titre d’un article de presse daté du 1°octobre 2012.
C’est dans cette même actualité que la Commission des Affaires Culturelles a auditionné le 10 octobre dernier le délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire au Ministère de l’Education Nationale, Eric DEBARBIEUX, pour faire le point sur les outils dont dispose le Ministère de l’Education Nationale afin de lutter contre les violences scolaires.
Même s’il importe de ne pas réduire la violence scolaire aux incidents qui sont rapportés au grand public par les médias, on ne peut que se féliciter que le Groupe UMP ait réservé une de ses niches parlementaires à ce sujet grave qu’est la violence à l’école avec l’inscription à l’ordre du jour de ce texte visant à prévenir et lutter contre la violence scolaire.
Mais qu’appelle-t-on d’abord violence scolaire et quelles sont ses causes ?
Il peut s’agir de violences physiques graves, les plus spectaculaires.
Elle peut consister ensuite en des insultes et incivilités, plus diffuses mais probablement tout aussi pénalisantes pour les victimes. On parlera alors de violence verbale.
Enfin, il peut s’agir de la « violence symbolique » exercée par l’école sur une part non négligeable d’élèves.
Heureusement les violences graves dans l’école sont rares.
Mais la violence quotidienne, comme les insultes, vols, coups, microviolences et harcèlements, est beaucoup plus présente. Elle peut être évaluée par les résultats d’enquêtes de « victimisation » qui interrogent un échantillon d’élèves sur les actes violents dont ils ont pu être victimes.
Sur le plan individuel, les actes de violence commis par un élève sont souvent associés à une situation d’échec scolaire et à un faible encadrement parental. Mais il existe aussi des facteurs plus collectifs comme le degré de ségrégation sociale et scolaire des établissements, et leur incapacité à stabiliser les équipes pédagogiques ce qui ne facilite pas les réponses cohérentes et collectives aux actes de violence.
Une enquête du Ministère de l’Education Nationale conduite au printemps 2011 par le chercheur Eric DEBARBIEUX a montré l’ampleur des violences à l’école et son caractère polymorphe.
Les 4 atteintes les plus récurrentes sont :
- L’insulte envers la personne (52% des élèves)
- Le vol de fournitures scolaires (46%)
- L’attribution d’un surnom méchant (39%)
- Et la bousculade intentionnelle (36%)
En revanche les blessures et menaces avec arme et le happy slapping (qui consiste à filmer l’agression à l’aide d’un téléphone portable) sont relativement rares : moins de 3% des élèves interrogés ont déjà subi au moins une de ces attaques.
Luc CHATEL avait fait de la lutte contre la violence scolaire une des priorités de son Ministère.
A la suite des Etats Généraux de la sécurité à l’école en avril 2010 et des Assises Nationales sur le harcèlement à l’école en Mai 2011, plusieurs mesures avaient été mises en place comme les enquêtes SIVIS (système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire), les plans de sécurisation des établissements scolaires, des mesures pour responsabiliser les acteurs en redonnant du sens aux sanctions ainsi que des mesures pour lutter contre le harcèlement et le cyber-harcèlement.
On peut alors s’étonner, Mafame la Ministre, que rien dans votre projet de refondation de l’école ne concerne la violence scolaire.
Certes vous avez « inventé un métier : celui des assistants de prévention et de sécurité » et nommé Eric DEBARBIEUX qui avait travaillé pour le précédent gouvernement à la tête d’une Délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, ce qui semble plutôt une bonne idée !
Mais est-ce suffisant au vu du problème et de l’extension de la violence scolaire à l’école primaire de moins en moins épargnée selon une enquête publiée le 20 septembre 2012 sous le titre évocateur »l’école entre bonheur et ras le bol » ?
On comprendra alors le bien-fondé de la proposition de loi de Claude de Ganay que vous auriez pu reprendre à votre compte.
Calqué sur le modèle du dispositif CIOTTI que vous avez abrogé avant même de l’avoir évalué, cette proposition de loi réinstaure un mécanisme d’avertissement préalable des parents d’enfants commettant des violences à l’école et en cas de récidive de ces derniers de suspension des allocations familiales.
Il s’agit également d’étendre le dispositif du « Contrat de Responsabilité Parentale » aux outrages ou atteintes répétés d’élève sur un autre élève, un enseignant ou tout autre membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire. Ce dispositif qui existait pour lutter contre l’absentéisme ayant été supprimé par dogmatisme.
Mon collègue Claude de Ganay s’est judicieusement inspiré de la loi CIOTTI de septembre 2010 afin de proposer un dispositif proportionné et gradué afin d’alerter, accompagner, soutenir et en dernier recours, sanctionner financièrement par la suspension des allocations familiales, les parents qui manqueraient à leurs responsabilités. Il ne s’agit pas, en effet, de sanctionner sans préavis des parents dépassés, mais bien de les sensibiliser à la gravité des actes de leurs enfants et de les accompagner dans la reconquête de leur autorité.
Nous pensons, en effet, à l’UMP que même si la violence scolaire doit aussi être réglée au sein de l’établissement en concertation avec l’équipe enseignante, son traitement doit associer les parents qui, en tant que premiers éducateurs de leur enfant, doivent être responsabilisés.
Votre culture de l’excuse n’est pas une réponse pertinente, au contraire elle signe votre renoncement sur ce grave problème.
Pour conclure, je veux faire référence aux parents de Mattéo, ce savoyard, qui le 8 février s’est pendu parce que ses camarades se moquaient de lui à cause de ses cheveux roux ; ils veulent que leur drame personnel serve à faire reculer la violence à l’école en exhortant l’Education Nationale « à se prendre par la main ».
On pouvait donc espérer que ce sujet ne soit pas un sujet d’affrontements idéologiques parce que les victimes sont ni de droite ni de gauche.
Regardez au moins, Madame la Ministre, cette niche parlementaire et la proposition de loi qui vous est proposée avec une vision rationnelle et éclairée.
Je vous en remercie.