Intervention de Virginie DUBY-MULLER
Projet de loi Enseignement Supérieur et Recherche
Mercredi 22 mai 2013
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Messieurs les Rapporteurs,
Chers collègues,
La Loi Libertés et Responsabilités des Universités ou Loi PECRESSE est une des premières grandes lois du précédent quinquennat. Dès le mois de juillet 2007, la précédente majorité s’était attelée à un sujet prioritaire pour elle – la question des universités – en leur permettant de devenir autonomes : au plus près des réalités du terrain, les établissements disposaient ainsi de tous les leviers pour conduire les stratégies les plus adaptées à leur contexte afin d’améliorer leurs performances et peser davantage dans la compétition internationale.
Une réforme majeure – qui allait dans le sens des évolutions menées dans de nombreux autres pays – accompagnée par une augmentation substantielle des moyens accordés aux universités avec une progression de 50% du budget consacré à l’Enseignement Supérieur entre 2007 et 2012 passant de 10 à 15 milliards d’Euros par an.
Cette loi renforçait le rôle des Présidents d’Université en leur donnant une réelle responsabilité sur leur masse salariale, leurs recrutements et leur organisation et incitait à l’émergence de pôles d’excellence de niveau international. «La mutation a été réelle» reconnait dans son éditorial Le Monde de ce mercredi !
Vous auriez pu l’abroger, Madame la Ministre !
Vous ne le faites pas, ce qui est déjà une certaine forme de reconnaissance alors que le Parti Socialiste n’a eu de cesse de dénoncer la LRU ! En fait, comme vous avez l’habitude de le faire depuis votre arrivée au pouvoir, vous procédez à un détricotage méticuleux. Ni évolution, ni révolution dans votre texte qui est plutôt une loi de régression avec des crédits en baisse (-6% pour les laboratoires de l’Université de Savoie).
Les moyens restent, en effet, les grands absents de votre texte Madame la Ministre : la Jeunesse n’était-elle pas censée pourtant être une priorité de votre candidat ?
D’ailleurs la CPU qui vous était favorable au moment de la présentation de votre Projet de Loi critique même avec force ce qu’elle appelle maintenant « une tromperie sur les moyens 2013 affectés aux universités ». Elle parle même d’un « projet LRU 2 non financé » et vous a demandé de retirer votre texte afin de réfléchir à une révolution de l’ensemble du 1er cycle !
On comprend alors, comme mon collègue Patrick HETZEL l’a clairement explicité hier, pourquoi vous avez demandé à la fois l’urgence sur ce texte mais aussi un temps programmé avec des conditions d’examen du texte en commission improbables ! Cette fébrilité législative semble révélatrice d’une fragilité politique.
Mais venons-en aux « mesurettes » qui ne sont en définitive que des mesures techniques essentiellement inspirées par le souci de défaire ce qui a été fait !
Permettez-moi d’évoquer les « quotas de place dans les BTS et les DUT » qui est en fait une mauvaise solution au problème des débouchés des bacheliers professionnels ou technologiques. D’ailleurs même si vous avez évoqué la fixation de ces quotas dans la concertation, vous n’avez pas réussi à calmer la colère des directeurs et présidents d’IUT en grève jeudi dernier. La préservation des IUT n’était pourtant pas une promesse de campagne de votre candidat ?
Concernant la nouvelle gouvernance des universités, n’est-elle pas l’organisation délibérée d’un face à face entre deux instances : celui d’un Conseil Académique pléthorique que vous créez et celui du Conseil d’Administration ? Cette université bicéphale semble vouée à la paralysie et au blocage du système. Il ne peut y avoir qu’une autorité décisionnelle : le Président et son Conseil d’Administration ! sauf à vouloir la mort du système au point que certains ont évoqué « un projet mortifère pour l’Enseignement Supérieur » ou des universités transformées en navires ingouvernables » voire en « bateaux ivres » ?
Continuons le détricotage.
Que vont devenir les PRES, Madame la Ministre ? Ces Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur avaient été créés pour constituer des « champions de la formation et de la recherche » avec leurs noyaux durs autour du meilleur des établissements qui s’y associaient. Vous les supprimez pour les remplacer par des communautés d’universités et d’établissements dans une logique territorialisée, qui risque de se transformer en regroupements forcés au mépris de l’autonomie des établissements et de leur rayonnement qui doit pouvoir être national et international. Certains grands organismes de Recherche que vous connaissez bien m’ont fait part de leurs inquiétudes à ce propos.
Détricotage de l’évaluation enfin !
L’AERES reconnaissait elle-même qu’elle devait améliorer ses procédures mais votre condamnation est sans appel er répond à une commande politique.
Comment oser dire que cela ne marchait pas, que l’évaluation n’était pas faite par les pairs alors que l’AERES faisait appel à des scientifiques reconnus français et étrangers, et même à des prix Nobel ! Elle était accréditée au niveau européen. Quelle régression et quelle image désastreuse en Europe où nous serons isolés !
Je tiens néanmoins à saluer la poursuite d’orientations déjà existantes : Réussite en licence, liens avec les lycées comme les fameuses « cordées de la réussite », mobilité internationale, apprentissage des langues, numérique, reconnaissance du doctorat -bien qu’encore insuffisante selon les doctorants eux-mêmes -.
Madame la Ministre, malgré de longs débats préliminaires, votre projet de loi manque d’ambition, d’audace et de souffle ! Il déçoit alors que comme l’écrit Valérie PECRESSE nous aurions dû avoir un « acte 2 de la réforme des universités ». Il fait ainsi plus de mécontents que d’heureux !
Finalement, comme cela a déjà été le cas avec le texte sur la refondation pour l’école, votre texte est un exercice raté avec la même méthode : quantité versus qualité d’où un nivellement vers le bas. L’Enseignement Supérieur et la Recherche sont pourtant des outils stratégiques de notre développement économique ; leur développement et leur excellence sont les meilleurs vecteurs d’attractivité de talents étrangers. Nier la compétition internationale qui nous entoure, mettre des freins à la marche vers l’excellence de nos universités et de nos écoles que la précédente majorité avait voulu initier, c’est saborder l’avenir de notre pays et de nos enfants.
A l’UMP nous pensons que « relancer la croissance et l’emploi passe par une université forte et attractive », votre réforme la fragilise et la déstabilise alors qu’elle aurait dû l’aider à franchir une nouvelle étape.
Je vous remercie.
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