Intervention en séance sur la Proposition de loi de MM. Bruno LE ROUX, Patrick BLOCHE et Michel FRANÇAIX et plusieurs de leurs collègues tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Chers collègues,
Le 10 juillet dernier, le Gouvernement avait affirmé son souhait d’abaisser le taux de TVA des services de presse en ligne et d’intensifier les échanges avec nos partenaires européens pour encourager la Commission européenne à les intégrer dans les discussions sur la directive relative à la TVA. Cette décision s’est concrétisée le 17 janvier et a donné lieu à ce texte d’initiative parlementaire que nous examinons aujourd’hui.
Vous avez donc choisi une Proposition de loi comme véhicule législatif pour abaisser de 20% à 2,1% le taux de TVA applicable aux services de presse en ligne, afin de l’aligner sur le taux en vigueur pour la presse « papier ». Il s’agit là d’une revendication de toutes les organisations professionnelles de la presse. Ce nouveau taux super-réduit s’appliquerait à compter 1er février 2014.
Pendant des années, l’info en ligne n’a pas été considérée comme de la presse, celle-ci devant nécessairement être imprimée. Un décret de 2009 a mis fin à cette situation, permettant aux sites d’obtenir un numéro de CPPAP (Commission paritaire des publications et agences de presse). La presse imprimée et la presse numérique restent cependant considérées comme deux catégories différentes au regard du droit fiscal. La première ayant le statut de «publication», elle bénéficie d’une TVA à 2,10%. La seconde, considérée comme un «service de communication fourni par voie électronique», est soumise à la TVA normale.
Ce texte intervient alors que plusieurs médias en ligne, tels que Mediapart, Indigo (éditeur de La Lettre A) et Terra Eco, sont la cible d’un contrôle fiscal pour avoir délibérément appliqué depuis trois ans une TVA de 2,1%, alors qu’ils auraient dû payer une TVA légale à un taux supérieur. Mediapart se voit ainsi réclamer un million d’euros en redressement et pénalités par le fisc, au titre des exercices 2008, 2009 et 2010.
Par conséquent, cette proposition de loi permet de consacrer « une reconnaissance pleine et entière de la presse en ligne, à égalité de droits et de devoirs » comme l’a indiqué très justement le SPIIL (syndicat de la presse indépendante d’information en ligne). Plus qu’une évolution, le numérique a créé une véritable révolution dans les médias.
Le Rapport de Patrick BLOCHE – de grande qualité, malgré des délais très courts, mais c’est parfois dans l’urgence qu’on est le plus efficace ! – légitime aussi cet alignement pour plusieurs raisons :
- D’abord parce que la situation actuelle est contraire aux principes d’égalité fiscale et neutralité technologique : désormais quel que soit le support, la TVA sera identique
- Vous mettez aussi en exergue – à juste titre – l’enjeu économique d’une telle mesure dans un contexte où la presse est fragilisée, en particulier la presse écrite qui souffre d’une distribution onéreuse, de la volatilité de son lectorat, de l’érosion de ses ventes et de ses recettes publicitaires.
- Le coût de cette baisse de TVA – qui a été évaluée par la DGMIC – représenterait un manque à gagner de 5 Millions d’euros pour l’Etat : comme vous le soulignez Monsieur le rapporteur, il s’agit donc d’un montant marginal au regard du budget total.
- Enfin, cette harmonisation fait aussi l’objet d’un consensus politique. Je rappelle que plusieurs députés UMP avaient déjà déposé des amendements identiques lors des derniers débats budgétaires notamment lors de l’examen de la LFI 2013 à l’initiative de P. Martin-Lalande.
Si cette proposition de loi était nécessaire et va dans le bon sens, elle n’en reste pas moins insuffisante.
En effet aujourd’hui, la directive européenne sur les secteurs bénéficiant d’une TVA réduite ne couvre pas la vente électronique de journaux, qui est, elle, assimilée à un service, donc redevable du taux classique. Pour faire entrer la presse en ligne dans cette catégorie, il faudrait modifier le texte, et donc un vote. Il s’agit d’une procédure de plusieurs années, qui en outre, comporte le risque de remettre en cause certains secteurs autorisés, comme la restauration par exemple.
En France, la presse « papier » bénéficie d’un taux réduit depuis 1989. C’est le cas à peu près partout en Europe, certains pays ne distinguant pas presse imprimée et presse en ligne : 0% au Royaume-Uni, 4% en Italie, 6% en Suède, 7% en Allemagne.
Le Gouvernement a annoncé que la France poursuivrait les discussions avec ses partenaires européens et la Commission pour « demander la révision de la directive TVA notamment sur l’application du taux réduit aux livres numériques et aux services de presse en ligne ». Il pourra s’appuyer sur ces pays. Pour autant, le Gouvernement prend le risque d’être de nouveau condamné par la Commission devant la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Nous saluons néanmoins ce texte qui va mettre un terme à une incohérence de notre droit interne. S’agissant d’un texte modifiant le code des impôts, pourquoi la commission des finances n’a pas été saisie au fond, ni même pour avis, alors qu’il s’agit d’une disposition ayant un impact budgétaire ? Du reste, je suis toujours curieuse de connaître l’avis du rapporteur général, Christian ECKERT.
En conclusion, dans un contexte de crise de la presse, ce texte contribue à favoriser la migration vers le numérique, à garantir le pluralisme de l’information, de la culture et du divertissement.
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