PPL relative à la déclaration de domiciliation – Commission

PPL relative à la déclaration de domiciliation – Commission

PPL relative à la déclaration de domiciliation – Commission 532 337 Virginie DUBY-MULLER

Examen du texte en commission des lois le 9 avril

Le Rapport

La séance est ouverte à 10 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission examine, sur le rapport de Mme Virginie Duby-Muller, la proposition de loi relative à la déclaration de domiciliation (n° 966).

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. La proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter vise à mettre en place un régime de déclaration de domicile en mairie des habitants installés sur le territoire de la commune. En modernisant notre mode de détermination de la domiciliation des personnes, ce nouveau régime permettra de constituer des registres de population communale et d’améliorer ainsi le service rendu à la population, de mieux planifier la mise en place de services publics et de rendre plus juste l’attribution des dotations de l’État.

La culture juridique française et l’importance donnée à la protection de la vie privée, mais aussi les enseignements de l’histoire, ont fait que notre pays a toujours regardé avec circonspection tout fichage général de la population. En ne prévoyant que des fichiers communaux, le présent texte prend en compte cette histoire, mais aussi la demande de simplification des démarches dans une société connectée.

Avant d’être l’occasion de constituer un fichier de la population établie sur le territoire d’une commune, la déclaration de domiciliation constituerait un progrès dans la simplification des démarches administratives de nos concitoyens.

Si une telle déclaration apparaît comme une nouveauté, il ne faut pas en exagérer la portée : chez la plupart de nos voisins européens – à l’exception du Royaume-Uni –, la déclaration domiciliaire constitue une obligation, généralement assortie de sanctions, résultant de l’obligation faite aux communes de tenir le registre de leurs habitants.

En outre, l’inscription au registre de la population détermine de nombreux droits et obligations, tels le droit de vote ou la perception de prestations sociales, de sorte que les sanctions expresses peuvent être considérées comme superflues.

Si l’inscription domiciliaire et la constitution de fichiers de population ne font actuellement pas partie du droit positif, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le droit local issu de la période d’annexion par l’Empire allemand prévoit toujours une obligation de déclaration domiciliaire, tombée cependant partiellement en désuétude du fait de l’absence de régime de sanction.

En outre, certaines catégories de personnes sont d’ores et déjà contraintes par la loi d’effectuer une déclaration de domiciliation.

Une telle obligation pesait jusqu’en 2006 sur les étrangers : le décret du 31 décembre 1947 imposait à tout étranger de déclarer son changement de résidence au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie « dans les huit jours de son arrivée ». Ce régime a été aboli en 2006 avec l’entrée en vigueur de la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’inscription sur un registre communal est encore aujourd’hui imposée aux gens du voyage par l’article 7 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 ; saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé le 5 octobre 2012 que cette obligation était destinée à remédier à l’impossibilité, pour ces personnes, de satisfaire aux conditions requises pour jouir de certains droits ou pour remplir certains devoirs, et ainsi qu’elle ne porte pas atteinte à la liberté d’aller et de venir et au droit au respect de la vie privée.

Enfin, le second alinéa de l’article 102 du code civil impose une obligation similaire aux « bateliers et autres personnes vivant à bord d’un bateau de navigation intérieure immatriculé en France ».

Le dispositif proposé par la présente proposition de loi ne prévoit pas de sanction et ne remet pas en cause la liberté d’aller et venir des citoyens.

L’accomplissement d’une formalité nécessaire à un objectif d’intérêt général ne porte pas atteinte à la liberté d’aller et venir. Il ne s’agit pas de délivrer une autorisation de changement de domicile.

En outre, le Conseil constitutionnel, dégageant la liberté d’aller et venir comme une liberté constitutionnelle, considère qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, « la sauvegarde des fins d’intérêt général ayant valeur constitutionnelle » comme le maintien de l’ordre public, et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et venir. Les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice de ces libertés constitutionnellement garanties doivent être justifiées par un intérêt général.

Ainsi, si l’on estimait que l’obligation d’inscription sur le registre communal de domiciliation portait atteinte à une liberté publique, cette contrainte limitée par l’absence de sanction resterait justifiée par la poursuite d’objectifs d’intérêt général.

Si l’article 1er de la présente proposition de loi prévoit une obligation de déclarer tout établissement ou transfert de domicile auprès des services municipaux, il ne prévoit ni régime de sanction en cas d’absence d’exécution de cette formalité, ni délai pour effectuer cette déclaration. L’absence de déclaration empêcherait simplement de bénéficier des services fournis au public nécessitant de prouver sa domiciliation.

Cependant, il importe de préciser les finalités et les objectifs d’intérêt général d’un registre domiciliaire.

Examinant le 13 mars dernier le projet de création d’un registre national de crédit aux particuliers, le Conseil constitutionnel a estimé que le registre ne présentait pas les garanties nécessaires et que l’atteinte au droit au respect de la vie privée ne pouvait pas être regardée comme proportionnée au but d’intérêt général poursuivi par le législateur.

Au regard de ce cadre, l’article 1er de la présente proposition de loi apporte plusieurs garanties.

Premièrement, il ne prévoit pas la création d’un fichier national unique regroupant les informations nominatives de l’ensemble de la population, mais celle de 36 767 fichiers communaux n’ayant pas à être interconnectés par des liens forts.

Deuxièmement, la gestion des registres et le droit d’accès et de rectification des personnes devront s’effectuer dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Troisièmement, l’accès aux données nominatives sera limité aux agents chargés de la mise à jour du fichier et la diffusion de ces données à des personnes non autorisées à y accéder ou leur détournement sont passibles des peines prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal, soit cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

Un amendement qui vous sera présenté tout à l’heure a pour objet de définir précisément et limitativement les finalités pour lesquelles les données pourront être utilisées, afin de garantir que ce registre ne serve qu’à des objectifs d’intérêt général comme la planification des investissements, l’organisation des services rendus aux citoyens, la détermination de la population légale des communes et la répartition des dotations de l’État.

Enfin, la présente proposition de loi s’inscrit dans une démarche de simplification des formalités devant être effectuées par nos concitoyens.

Le régime de preuve de domiciliation n’est plus adapté à la demande des citoyens dans une société de l’information. Attester de son domicile apparaît de plus en plus compliqué pour nos concitoyens, dans une période où la mobilité de la population s’accroît : 11 % des Français déménagent chaque année.

Depuis plusieurs années, des mécanismes ont été mis en place pour faciliter les démarches de nos concitoyens, comme le service public du changement d’adresse ou le projet « dites-le nous une fois », plutôt destiné aux entreprises. Le décret du 26 décembre 2000 portant simplification de formalités administratives et suppression de la fiche d’état civil fait de la déclaration de domiciliation la règle, sauf pour les procédures les plus sensibles.

Cependant, votre rapporteure constate que ces dispositions rendent parfois malaisées la fourniture d’une preuve de domiciliation : les traditionnelles factures d’eau, d’électricité ou de téléphone sont de plus en plus souvent dématérialisées par les opérateurs et ne sont pas disponibles lors de l’emménagement ; de plus, elles ne comportent que le nom du titulaire de l’abonnement, et non de ceux des autres membres du foyer. Aussi, dans la majorité des cas, la domiciliation des usagers repose avant tout sur une déclaration plutôt que sur la fourniture d’une preuve, comme prévu par les articles 104 et 105 du code civil. Seule la confiance dans la bonne foi des personnes permet de prendre en compte leur nouvelle adresse de manière pratique.

Aussi l’article 1er de la présente proposition de loi propose-t-il de modifier les règles de preuve de domiciliation prévues par l’article 104 du code civil en disposant que l’accomplissement de la déclaration de domiciliation donne lieu à la remise d’un récépissé par les services municipaux.

Ce « récépissé de déclaration de domicile » constituerait à l’avenir « l’unique justification de domicile à produire pour l’accomplissement de toute formalité » administrative. Ainsi, afin de simplifier la preuve de domiciliation de nos concitoyens, l’inscription sur le registre de domiciliation de la commune ou de l’arrondissement serait désormais la seule formalité essentielle pour effectuer les démarches administratives nécessitant de justifier de son domicile.

L’article 2 de la proposition de loi prévoit que les personnes ayant établi leur domicile avant l’entrée en vigueur du présent texte – fixée au 1er janvier 2015 par l’article 6 – disposeraient d’un délai de trois ans pour procéder à la déclaration de domiciliation auprès des services municipaux.

La déclaration en mairie serait également un moyen de relancer l’inscription sur les listes électorales et la participation aux élections. Dans certains quartiers, la « mal inscription » concerne 28 % des personnes, qui ne sont pas en état de voter du fait d’un déménagement, de l’absence d’inscription d’office, etc.

L’inscription unique sur le registre de domiciliation pourrait ainsi être mutualisée avec l’inscription sur d’autres fichiers détenus par les services communaux, notamment les listes électorales, sans pour autant nécessiter de fusionner les différents fichiers.

Mais le registre de domiciliation représenterait également une avancée pour la gestion des collectivités territoriales

Si la mise en place d’une déclaration de domicile peut simplifier la vie de nos concitoyens, elle permettra aussi d’améliorer les modalités de financement et de gestion des communes et des services communaux, en donnant une vision plus exacte de la population qui est établie sur le territoire communal.

La connaissance de la population est un enjeu majeur pour les autorités communales et aujourd’hui un objectif du recensement de la population.

Si, en application de l’article 156 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, les modalités de recensement et de détermination de la population légale par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ont évolué et ne reposent plus sur le seul recensement, les résultats obtenus par ces méthodes font l’objet de critiques récurrentes.

Certaines communes contestent les chiffres de population légale tels qu’établis par les enquêtes de l’INSEE. Par exemple, le maire communiste de Grigny, M. Philippe Rio, dénonce une sous-estimation qu’il évalue à 17 % de sa population dans le recensement de ses habitants, à l’origine d’importantes pertes de dotations publiques.

L’INSEE prend en compte ces critiques et réalise parfois des enquêtes complémentaires. En outre, des réflexions sont en cours sur l’utilisation de données provenant des fichiers détenus par d’autres administrations, en l’occurrence des fichiers fiscaux ou du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), pour affiner les résultats tirés des enquêtes de terrain.

Aussi l’article 1er de la proposition de loi prévoit-il de réécrire l’article 105 du code civil afin de prévoir les modalités de tenues par les services communaux d’un registre recensant les personnes ayant déclaré établir leur domicile sur le territoire de la commune ou de 1’arrondissement.

Ces chiffres permettraient aux collectivités territoriales de mieux planifier les équipements et services nécessaires aux citoyens : les communes doivent en effet réaliser des investissements nécessitant de pouvoir planifier à moyen terme l’importance et la répartition de la population qui bénéficiera de ces services publics.

Mais les chiffres tirés de ce registre permettraient aussi une répartition plus juste des dotations de l’État : la « population DGF », c’est-à-dire la population retenue pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), est prise en compte avec un décalage pouvant atteindre trois ans ; selon les chiffres communiqués par la direction générale des collectivités locales, sur un montant global de 40 milliards d’euros de DGF, 12,5 milliards correspondent aux dotations de base des communes, établissements publics de coopération intercommunale et départements attribués selon le seul critère de la population. À cela s’ajoutent 6,9 milliards de dotations pour lesquelles la population est un critère d’attribution parmi d’autres. Enfin, le critère de population intervient dans le calcul du potentiel financier, qui permet de bénéficier de certains versements.

Si les résidents secondaires sont pris en compte dans l’attribution de la DGF, cela ne l’est que de manière minorée, pour un habitant supplémentaire par foyer. Cette minoration n’est pas sans conséquence dans certaines zones frontalières, où les facilités de transport permettent à des personnes travaillant à l’étranger de déclarer leur résidence en France comme secondaire, alors même qu’ils l’occupent à l’année, par crainte de perdre la jouissance des régimes sociaux et fiscaux dont ils bénéficient en étant officiellement résidents de l’autre côté de la frontière. De la même manière, ces personnes ne sont pas prises en compte dans l’attribution des « fonds frontaliers », par lesquels le canton de Genève rétrocède aux départements et aux communes de l’Ain et de la Haute-Savoie 3,5 % de la masse salariale taxée à la source, alors que, dans les faits, ces « faux résidents secondaires » doivent bénéficier des services municipaux, occasionnant autant de charges pour les communes.

C’est pourquoi l’article 4 du texte prévoit qu’à compter de l’attribution des dotations pour l’année 2018, les chiffres déduits du registre des personnes domiciliées servent de base à la détermination de la population légale de chaque commune, en lieu et place de la population majorée DGF.

En conclusion, la présente proposition de loi n’a pas vocation à mettre en place un fichier national et universel de la population : elle vise avant tout à fournir une réponse concrète à deux besoins clairement identifiés.

Du point de vue des usagers, il est nécessaire aujourd’hui de simplifier les démarches liées à un changement de domicile : les principes fixés en 1803 par le code civil ne sont plus adaptés à une société connectée, où 11 % de la population déménage chaque année et doit bénéficier dès son installation des services fournis par les communes sans avoir à multiplier les démarches administratives et les contrôles de pièces justificatives peu probantes.

Dans le même temps, la programmation et la planification des équipements et des services à rendre à la population, comme la juste répartition des dotations de l’État, exigent que l’on réfléchisse aux modes de détermination de la « population légale », basée sur des recensements et des enquêtes partielles, actuellement utilisée comme référence pour déterminer les besoins d’une commune et les financements dont elle peut bénéficier.

Cette proposition rejoint les préoccupations de nombreux collègues sénateurs de tous bords : il ne fait pas de doute qu’ils s’en empareront pour encore améliorer ce texte au cours de la navette parlementaire.

M. Philippe Gosselin. Nous constatons bien dans nos communes que l’article 104 du code civil n’est pas appliqué. La proportion de la population déménageant chaque année est variable selon les endroits, mais tous les maires, y compris ceux de petites localités, savent bien qu’il est parfois difficile de connaître certains habitants qui ne se manifestent pas auprès des services publics, n’ont pas d’enfants scolarisés, ne se rendent pas à la mairie, etc.

Sur les listes électorales également, certaines personnes qui ne se sont pas réinscrites ailleurs devraient néanmoins être radiées. Le flottement qui peut exister à ce niveau fausse les chiffres de la participation.

Les municipalités ont assurément besoin d’avoir une connaissance plus fine de la population afin de mieux apprécier les besoins en services publics, les créations de crèches, les ouvertures de classes. Cette connaissance présente aussi un intérêt pour le calcul des dotations.

Comme je l’avais décrit, sous la précédente législature, dans un rapport d’information sur la nouvelle méthode de recensement de la population, les villes de plus de 10 000 habitants font désormais l’objet d’un recensement par sondage, tandis que les communes de moins de 10 000 habitants conservent une enquête de recensement classique réalisée tous les cinq ans. La proposition de loi permettra de remédier à nombre de difficultés soulevées par cette nouvelle méthode.

Mais, en tant qu’ancien membre de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), je me dois de souligner le danger que représenterait la constitution d’un grand fichier national des individus façon Big Brother. Il conviendra d’ajuster le dispositif avec finesse.

Je suis néanmoins tout à fait favorable à ce texte, sachant que nous devrons examiner avec soin le décret d’application prévu à l’article 5.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ce texte visant à instituer une obligation de déclaration de domiciliation auprès des communes pose divers problèmes.

La création d’un fichier communal partagé ou interconnecté soulève des questions d’ordre juridique et d’ordre technique.

D’un point de vue juridique, la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que la constitution de tout fichier doit répondre à une finalité précise. Un fichier ne saurait être utilisé à divers effets. Or la variété des usages possibles de ces registres, tout comme la multiplicité des destinataires – prestataires et groupements de communes, entre autres –, ne garantissent ni la confidentialité des données ni leur sécurité. Même si l’amendement CL3 de la rapporteure en décrit certains usages et traitements potentiels, il n’en demeure pas moins qu’aucune finalité explicite n’est précisée

Le texte contrevient ainsi à l’esprit et à la lettre de l’article 6 de la loi précitée, qui pose des obligations et des contraintes différentes selon le choix de traitement et d’utilisation de cette base de données. Soit il s’agit de fichiers locaux, dont les données sont échangeables entre communes, auquel cas il convient de préciser les destinataires explicitement désignés pour en obtenir régulièrement communication ainsi que les tiers autorisés ayant qualité pour les recevoir de façon ponctuelle et motivée. Soit il s’agit de fichiers locaux interconnectés dans une base nationale, ce qui suppose un système d’information commun aux communes, ainsi que la gestion et la mise en place des systèmes, des logiciels et de la formation des utilisateurs autorisés à accéder aux données. Dans les deux cas, nous considérons que la mise en place de cette déclaration de domiciliation et la constitution de fichiers auront nécessairement un coût important, notamment en termes d’ETP (équivalents temps plein) dans les mairies, sans garantie significative d’une amélioration des performances dans les missions statistiques dévolues à l’INSEE.

Il est prétendu que l’absence de déclaration de domiciliation ne sera pas soumise à sanction. Mais le récépissé de déclaration sera indispensable pour le raccordement aux différents réseaux, l’inscription sur les listes électorales, l’inscription des enfants à la crèche, à l’école, à des activités périscolaires ou culturelles. La privation de l’accès à des biens et services d’intérêt général est une sanction qui ne dit pas son nom ! Si tel n’était pas le cas, d’ailleurs, la déclaration de domiciliation resterait facultative et cette proposition de loi deviendrait inutile.

Si l’esprit de ce texte peut répondre à des difficultés spécifiques – notamment celles que posent les faux résidents des communes des régions frontalières –, les dispositions semblent cependant disproportionnées et laissent planer de vastes incertitudes juridiques et techniques.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. À cet égard, pour reprendre l’un des éléments évoqués par Mme Chapdelaine, il nous faudra vérifier que le texte ne tombe pas sous le coup de l’article 40 de la Constitution en créant des charges pour les communes. Je saisirai le président de la commission des Finances à ce sujet conformément à la pratique initiée par mon prédécesseur, M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jacques Bompard. Si, en tant que maire, je trouve la proposition de loi intéressante, le caractère facultatif de la déclaration lui ôte une grande partie de son intérêt. La redistribution sociale, dont notre pays est le champion du monde, est entachée par de nombreuses escroqueries aux organismes sociaux. Un registre de la population communale serait un instrument de lutte contre ces escroqueries. On opposera à une telle initiative l’argument des libertés, mais trop de liberté tue la liberté ! La liberté du truand détruit la liberté des honnêtes gens !

Bref, ce texte va dans la bonne direction mais ne va pas assez loin. En l’état, je crains qu’il ne serve à rien, sinon à provoquer de nouvelles dépenses pour des collectivités locales qui sont déjà soumises à bien des charges inutiles !

M. Daniel Gibbes. Les dispositions de ce texte, auquel je suis favorable, sont peut-être encore plus pertinentes pour les outre-mer que pour l’hexagone. Je regrette que Mme Chapdelaine n’ait pas pris cet aspect en compte dans son propos. L’adressage est chez nous un véritable casse-tête et il rend le recensement inefficace. La proposition de loi permettrait de résoudre en partie ce problème. À Saint-Martin, dit-on par plaisanterie, les boîtes postales sont nombreuses sur les arbres ! En outre, la frontière entre la partie néerlandaise et la partie française de l’île est ouverte et certains résidents de la partie néerlandaise viennent inscrire leurs enfants à l’école du côté français. Ce texte offrira un cadre législatif plus efficace et plus clair que ce qui existe aujourd’hui. Il permettrait aussi, comme l’a souligné Philippe Gosselin, le « nettoyage » des listes électorales.

M. Hugues Fourage. Je discerne mal l’intérêt d’une telle proposition de loi. Les dispositions en vigueur offrent déjà une certaine souplesse. Le code civil prévoit la possibilité d’une déclaration de changement de domicile en mairie, dont résultera la preuve de l’intention.

Sans doute la volonté d’affiner la connaissance de la population est-elle louable, mais il peut exister aussi des intentions malignes de contrôle des populations, en contradiction avec les principes républicains.

Le dispositif proposé n’ajoute rien au régime actuel dans la mesure où il ne prévoit pas de sanction. Quelle sera, dans ces conditions, l’effectivité de la règle de droit ?

L’article 2, quant à lui, fait obligation aux personnes déjà établies dans une commune de déclarer leur domiciliation dans les trois années après la date d’entrée en vigueur du texte. On le sait, beaucoup de nos concitoyens ne s’inscrivent pas sur les listes électorales. Quid de ceux qui n’iront pas faire cette déclaration à la mairie, sachant que le récépissé sera un sésame pour nombre de services ? Enfin, le texte est muet sur ce qu’il adviendra si une mairie refuse une déclaration.

M. Philippe Gosselin. Nous pourrons l’amender sur ce point.

M. Hugues Fourage. Quand on voit les possibilités qu’exploitent certaines municipalités, je crains pour les libertés publiques !

Je trouve préférable la procédure existante qui permet aux municipalités de demander une analyse de leur DGF. S’agissant de la planification des investissements, veut-on laisser entendre que les élus municipaux ne connaissent pas leurs administrés et leur territoire ? Le dispositif proposé me semble disproportionné !

Sur le plan pratique, il provoquerait un surcroît de travail considérable pour les services de l’état civil. L’initiative risque de se traduire, non pas par un choc de simplification, mais par un choc de complication pour nos concitoyens.

M. Gilbert Collard. Jusqu’à quand va-t-on fatiguer les textes pour rien ? Voilà encore une proposition de loi qui n’est accompagnée d’aucune sanction. C’est ainsi que l’on use la législation tout en compliquant la vie des Français. Viendra un moment où les textes n’auront plus aucun sens. Du point de vue de la philosophie du droit, cette décadence de l’écrit législatif est très grave.

Mme la rapporteure. Des dispositifs similaires existent déjà dans de nombreux pays et ne posent pas de problèmes majeurs. J’entends bien les inquiétudes qui se sont exprimées et les interrogations quant aux difficultés d’application, mais je rappelle qu’il ne s’agit nullement de constituer un fichier national. Les fichiers communaux que nous proposons feront éventuellement l’objet d’interconnexions pour permettre des mises à jour régulières, sans quoi ils perdraient tout intérêt. Tout le dispositif devra respecter les conditions fixées par la loi « Informatique et libertés » et édictées par la CNIL, dont nous avons d’ailleurs auditionné les représentants.

Les finalités de ces fichiers sont en effet énumérées de façon précise par mon amendement CL3, madame Chapdelaine, de manière à répondre aux exigences que vous rappeliez.

Quant à la question des charges nouvelles qui seraient la conséquence de la proposition de loi, monsieur le président, il apparaît qu’il s’agit seulement de coûts de gestion ; dès lors le texte ne risque pas de tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution.

Enfin, même s’il n’est pas prévu de sanction, la mesure revêt un caractère contraignant dès lors que la déclaration donne lieu à la remise d’un récépissé sans lequel la personne ne peut effectuer différentes démarches administratives – inscription des enfants à l’école, à la crèche, etc.

J’ai bien entendu, monsieur Gibbes, ce que le dispositif pourrait apporter aux collectivités d’outre-mer.

Vous avez, parlé, monsieur Fourage, d’« intentions malignes de contrôle des populations ». L’histoire de notre pays nous a en effet appris à nous méfier des risques que peuvent présenter les fichiers de personnes. Mais le texte renvoie aux sanctions prévues par le code pénal en cas de détournement des fichiers communaux.

Il est du reste paradoxal de se réclamer, comme vous le faites, des grands principes républicains tout en réclamant que l’on prévoie une sanction pour les personnes qui ne font pas cette déclaration.

M. Hugues Fourage. Je ne réclame rien !

Mme la rapporteure. Enfin, le dispositif a pour autre avantage de permettre de dresser un état des lieux précis de la population et, partant, d’améliorer l’investissement en matière de services publics.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (art. 103 à 105 du code civil) : Mise en place d’une déclaration de domiciliation en mairie

La Commission est saisie de l’amendement CL1 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Nous proposons qu’en cas de décès dans une commune autre que la commune de résidence, la mairie du lieu de décès informe la commune de domiciliation afin que celle-ci puisse radier la personne décédée de son registre communal.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette obligation existe déjà dans la loi. Le service de l’état civil qui établit l’acte de décès d’une personne est tenu d’informer la commune de résidence de cette personne.

M. Hugues Fourage. Il ne s’agit de rien d’autre que des mentions marginales dans les registres d’état civil.

Mme la rapporteure. Mais ce ne sont pas des registres de domiciliation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Lorsque l’on fait une déclaration de décès, on doit indiquer le domicile de la personne décédée. La mention du domicile figure ensuite dans le registre des transcriptions de décès. Il en va de même, d’ailleurs, pour les actes de naissance.

M. Philippe Gosselin. En effet, les services de l’état civil de la commune de naissance ou de décès adresse copie de l’acte à la commune de résidence des parents dans le cas de la naissance, du défunt dans le cas du décès. Cette procédure donne lieu, dans un registre spécial, à un acte de transcription de naissance ou de décès. Peut-être la disposition est-elle redondante avec les textes existants, mais il faut l’envisager comme une partie du nouveau dispositif. Dès lors, l’amendement est peut-être nécessaire malgré tout.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL2 du même auteur.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’un amendement de cohérence et de précision prévoyant l’obligation, pour les personnes qui s’expatrient, de se faire radier du registre communal, afin d’éviter les doubles comptes.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL3 du même auteur.

Mme la rapporteure. Il s’agit de mentionner de manière explicite et précise les finalités pour lesquelles peuvent être utilisées les données recueillies dans les registres communaux, comme l’exigent les principes édictés par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.

Les données nominatives ne pourraient être utilisées que pour la fourniture de prestations et de services communaux par les services de la commune, ou par ceux de l’intercommunalité ou d’un prestataire de la commune ou de l’intercommunalité après autorisation du conseil municipal.

Une fois rendues anonymes, ces données pourraient être utilisées à des fins statistiques, pour déterminer la population légale, et pour optimiser l’organisation et la planification des investissements locaux.

En application du dernier alinéa de l’article 1er, les conditions de mise en œuvre de ces exploitations de données devront être précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Délai de trois ans laissé aux personnes ayant déjà établi leur domicile au sein d’une commune pour procéder à la déclaration de domiciliation

La Commission rejette l’article 2.

Article 3 : Suppression du régime de déclaration et de fichier domiciliaires en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin

La Commission rejette l’article 3.

Article 4 : Utilisation du recensement des personnes domiciliées pour déterminer la population communale

La Commission rejette l’article 4.

Article 5 : Habilitation du pouvoir réglementaire à fixer les modalités d’application du présent texte

La Commission rejette l’article 5.

Article 6 : Entrée en vigueur du présent texte

La Commission rejette l’article 6.

Article 7 : Gage

La Commission rejette l’article 7.

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