LE MONDE
La 3e Conférence internationale sur le financement du développement s’est terminée mercredi 15 juillet à Addis Abeba. Après celles de Monterrey et de Doha, cette rencontre était un rendez-vous déterminant pour trouver des solutions financières ambitieuses afin d’en finir avec la pauvreté et le réchauffement climatique et inclure les pays les plus pauvres dans la grande roue du développement durable.
Ce que l’on retiendra de cette conférence ? Que chacun a fait le choix de ne surtout pas s’engager plus loin sur les financements. Cette conférence était un rendez-vous attendu : force est de constater que c’est un rendez-vous manqué. L’accord est une déclaration d’intention plus qu’un plan d’action pour financer le développement. Toutes les cibles en termes de mobilisation de financements publics qu’elles soient nationales, internationales, relatives aux financements innovants ont été vidées de leur substance, quand elles n’ont pas totalement disparues du texte.
Des exemples ? L’objectif pour les pays du Sud d’avoir des ressources fiscales à hauteur minimale de 20 % du PIB d’ici à 2025 a été supprimé, celui pour les pays développés d’affecter 0,7 % du RNB à l’aide publique au développement (APD) n’a pas de calendrier contraignant et celui de fournir un paquet de services sociaux essentiels n’est pas financé.
Enfin le texte reste flou sur le caractère additionnel des financements innovants et toutes les références aux taxes de solidarité comme celle sur les transactions financières ont été supprimées. Trouver des moyens pour lutter contre la pauvreté, le changement climatique et la régulation de la financiarisation de l’économie était l’objectif affiché. Ce sera finalement un vœu pieux, faisant la part belle au secteur privé comme nouvel acteur du développement, ceci sans encadrement, sans obligation d’orienter ces investissements vers les populations pauvres et en oubliant les acteurs locaux, tels que les collectivités, pourtant au plus près des populations et qui assument de plein fouet et souvent sans moyens la gestion quotidienne du développement.
Pourtant, les initiatives qui marchent sont largement mises en valeur dans le texte mais sont malheureusement pour l’instant dépourvues de moyens pour les financer. L’Ethiopie, pays hôte de la conférence, est pourtant l’exemple d’un pays capable de mettre en œuvre une politique volontariste en matière de développement et particulièrement en matière d’accès aux soins. Malgré les réserves que l’on peut formuler sur son système politique, avec des perspectives de croissance et de développement importantes, l’Ethiopie est un îlot de stabilité dans une sous-région en crise, grâce à des investissements massifs dans les secteurs sociaux essentiels et une attention particulière aux populations les plus vulnérables.
Nous, députés, avons pu voir sur le terrain des femmes accoucher dans les postes de santé communautaires qui maillent le territoire éthiopien au plus près des besoins. Nous avons vu des enfants atteints de sous-nutrition pris en charge dans des centres de santé. Nous avons vu des patients souffrant de tuberculose pouvant être diagnostiqués en deux heures alors qu’il fallait trois mois il y a quelques années. Alors oui, nous sommes lucides, des disparités existent et des efforts immenses restent à fournir pour assurer à chacun un accès équitable aux services de santé, équiper les établissements, former le personnel, assurer l’approvisionnement en médicaments et la qualité des soins.
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Si l’Ethiopie nous montre une voie à suivre, elle nous prouve aussi que les financements des bailleurs internationaux sont encore indispensables pour soutenir les initiatives prises au niveau des pays et assumer une responsabilité partagée. C’est pourquoi la France ne peut pas diminuer ses engagements financiers que ce soit en Ethiopie ou sur l’ensemble du continent africain. En 2014, notre aide publique au développement a baissé pour la quatrième année consécutive pour atteindre son niveau le plus bas en treize ans, et accusera au total une baisse de 20 % sur l’ensemble du quinquennat si cette trajectoire continue.
Faute de fonds publics, les prêts sont systématiquement favorisés au détriment des dons ; s’ils sont adaptés pour certains secteurs comme les infrastructures, les prêts ne peuvent se substituer aux dons pour les secteurs sociaux non rentables comme la santé, l’éducation, la nutrition et pour les pays les moins solvables, notamment les pays pauvres prioritaires de l’aide française. La réponse française actuelle réside en l’utilisation de financements innovants pour tenter de compenser les coupes budgétaires, jetant aux ornières le principe d’additionnalité.
Nous avons bien conscience de la situation budgétaire de notre pays. Mais nous savons aussi que des marges de manœuvre existent, et que la France peut et doit continuer à investir dans les initiatives qui ont prouvé leur efficacité, dont pour certaines elle fut un moteur, et dans celles qui innovent. La Facilité mondiale de financement pour la santé maternelle et infantile lancée à Addis par la Banque mondiale en est un bon exemple, permettant d’engendrer un fort effet de levier et mobilisant ressources des bailleurs, ressources privées et ressources nationales pour la santé maternelle et infantile et la nutrition. Nous pouvons également citer l’impact du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme qui a permis de guérir plus de 1,3 million de personnes de la tuberculose ou celui de Gavi l’Alliance du vaccin dont les programmes ont permis de sauver la vie de 6 millions d’enfants.
Enfin le prochain lancement de l’initiative Unitlife en septembre lors de l’assemblée générale des Nations unies pour lutter contre la sous-nutrition en taxant les ressources extractives est une opportunité que la France ne doit pas manquer. Chaque euro investi par la France dans ce domaine génère 16 euros pour le développement local. Financer le développement, c’est investir dans l’avenir. Les catastrophes migratoires en Méditerranée ou sanitaires avec Ebola nous le prouvent. On ne peut faire le choix entre ici et là-bas. Fermer les yeux aujourd’hui nous coûtera beaucoup plus cher dans un futur qui n’est pas si lointain. Prendre aujourd’hui nos responsabilités c’est réduire demain les dépenses françaises en interventions d’urgence, militaires ou humanitaires.
C’est faire de la France un partenaire privilégié sur la scène internationale et poser les jalons d’une diplomatie économique solidaire nécessaire à notre propre développement économique. C’est enfin assurer une stabilité et une croissance mondiale bénéfique à tous. Il est grand temps d’agir !
Par Jean-Marie Tétart (Député des Yvelines), Christophe Bouillon, (Député de Seine-Maritime), Virginie Duby- Muller (Députée de Haute-Savoie), Philippe Gosselin (Député de la Manche) et Colette Capdevielle (Députée des Pyrénées-Atlantiques).
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