Voici la note de Gilles Carrez, Président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, sur les déclarations du Premier Ministre sur l’équation budgétaire. Celle-ci résume la position de l’UMP sur les mesures envisagées par le gouvernement
Pourquoi l’équation budgétaire de Manuel VALLS est insoluble
Si nous pouvons saluer l’inflexion du Gouvernement en faveur de la compétitivité de nos entreprises, force est de constater que la feuille de route développée hier par le Premier Ministre est en total décalage avec les réalités budgétaires de notre pays.
- Quel est l’effort à réaliser pour atteindre 3% de déficits publics en 2015 ?
Initialement prévu pour 2013, l’objectif des 3% de déficits publics a été reporté en 2015. Or, compte tenu de la très mauvaise exécution budgétaire de 2013 (4,3% de PIB), celui-ci apparaît aujourd’hui bien plus difficile à tenir.
Ainsi, selon la Cour des Comptes dans son rapport public annuel pour 2014, l’effort à réaliser pour atteindre cet objectif est de 57 milliards d’euros.
Ce montant inclut le financement du CICE ainsi qu’une baisse de 0,3 points des prélèvements obligatoires en 2017.
Face à cela, qu’a annoncé hier le Premier Ministre ?
Le Premier Ministre a annoncé 50 milliards d’euros d’économies en dépenses sur la période 2015 à 2017. Il s’est donc contenté de répartir ce montant au prorata du poids de chaque bloc de dépense dans la dépense publique totale :
– 19 milliards d’euros pour l’Etat
– 21 milliards d’euros pour la Sécurité Sociale (dont 10 milliards d’euros pour les dépenses d’assurance-maladie)
– 10 milliards d’euros pour les collectivités locales
Ces économies ne sont donc absolument pas identifiées.La seule piste explicite qui se dessine est une baisse drastique des dotations aux collectivités locales de 10 milliards d’euros sur 3 ans.
- Les nouvelles mesures annoncées hier par le Premier Ministre ne font, elles, l’objet d’aucun début de financement :
Hier, le Premier Ministre a annoncé une baisse massive des prélèvements obligatoires à l’horizon 2017 de l’ordre de 25 milliards d’euros.
– Pour les entreprises :
o 10 milliards d’euros pour les mesures du pacte de compétitivité (allègements de charges pour les salaires de 1 à 1,6 SMIC + diminution de 1,8 point des cotisations familiales pour les salaires allant jusqu’à 3,5 SMIC + baisse de plus de 3 points des cotisations familles des travailleurs indépendants)
o 5,8 milliards d’euros de suppression de la C3S + 2,3 milliards d’euros de suppression de la surtaxe temporaire d’IS
o Suppression de micro taxes (environ 200M€)
o Baisse du taux facial de l’IS
o A cela il faut retrancher le surcroît de recettes d’IS lié aux différentes baisses de charges (-3 milliards d’euros), potentiellement compensé par la baisse progressive du taux facial de l’IS
– Pour les ménages :
o 5 milliards d’euros de baisse de l’IRPP en faveur des ménages les plus modestes
o 2,3 milliards d’euros en faveur de l’allègement des cotisations salariales sur les bas salaires (jusqu’à 1,3 SMIC)
Il est donc évident que ces nouvelles mesures seront financées par l’emprunt et par la dette. Manuel VALLS a donc fait clairement le choix du dérapage de nos comptes publics, dont le redressement n’est qu’un objectif « accessoire » selon le mot du Ministre de l’Economie.
Par ailleurs, ces annonces posent problème à la fois en termes de justice sociale et de répartition de l’effort budgétaire :
– Les mesures en faveur des ménages ne touchent pas les classes moyennes, qui vont pourtant être durement affectées par les hausses d’impôts– en particulier d’impôt sur le revenu – en 2014. Rappelons ici les principales mesures :
o Abaissement du plafond du quotient familial à 1500€
o Fiscalisation de l’abondement de l’entreprise pour les complémentaires santé
o Hausse des cotisations retraites de 0,15 point
o Fiscalisation de la majoration des 10% de majoration de pension pour les retraités ayant élevé 3 enfants ou plus (mesure qui va propulser un grand nombre de contribuables dans l’IR)
o Effet en année pleine de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires
– Les collectivités locales sont devenues une cible de choix du Gouvernement, en particulier les communes de plus de 9 000 habitants où nous sommes désormais largement majoritaires alors qu’elles doivent également faire face à des dépenses imposées par le Gouvernement (rythmes scolaires, péréquation…). Nous devons donc être vigilants afin que la majeure partie de l’effort budgétaire ne se résume pas à une baisse des dotations aux collectivités que nous détenons.
Conclusion
L’équation budgétaire du Premier Ministre est insoluble, sauf à faire le choix délibéré du déficit et de l’endettement publics. Or, ce choix fait courir les plus grands risques à la France, qui se caractérise par la persistance d’un déficit primaire et par un besoin annuel de financement d’ores et déjà le plus important des pays de la zone euro.