Question orale de Martial SADDIER sur les conséquences pour les travailleurs frontaliers de l’évolution de la législation fiscale suisse
M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour exposer sa question, n o 644,
relative aux conséquences pour les travailleurs frontaliers de l’évolution de la législation
fiscale suisse.
M. Martial Saddier. Ma question s’adresse à monsieur le ministre des finances et des
comptes publics et je tiens à y associer mes deux collègues de Haute-Savoie, Virginie
Duby-Muller et Lionel Tardy. Elle porte sur les conséquences pour les travailleurs
frontaliers et leur conjoint travaillant en France de la modification de l’imposition à la
source dans le cadre de l’impôt fédéral direct.
En effet, la modification, le 25 février 2013, de l’ordonnance fédérale du 19 octobre
1993, a pour but d’harmoniser les barèmes de l’impôt à la source sur l’ensemble de la
Suisse à compter du 1er janvier 2014. Sont notamment concernés les travailleurs
frontaliers mariés soumis au barème C. Afin de déterminer le taux d’imposition,
l’employeur Suisse devra désormais tenir compte du fait que le conjoint de son
collaborateur frontalier perçoit également un revenu au titre d’une activité effectuée en
France.
Or, ne connaissant pas cette information, il s’appuiera sur un salaire fictif dont la
méthode de calcul est la suivante : le revenu théorique du conjoint travaillant en France
correspond au revenu du frontalier imposé à la source jusqu’à un montant de 65 100
francs suisses par an, soit 52 555 €. Au-delà de ce plafond, le revenu du conjoint reste
fixé à 65 100 francs suisses. Par la suite, le taux d’imposition ne s’appliquera qu’au
revenu du travailleur frontalier.
Vous en conviendrez, monsieur le ministre, l’application de ce nouveau barème aura de
graves répercussions financières pour ces couples. En effet, ce salaire fictif est loin de
correspondre à celui réellement gagné par le salarié français. À titre d’exemple, le
revenu moyen annuel en Rhône-Alpes est de l’ordre de 32 030 euros, ce qui représente
20 000 euros d’écart. Par ailleurs, seul le canton de Genève a mis en place une
rectification de l’impôt sur preuve du revenu réellement perçu par le conjoint en France,
pour éviter une avance de trésorerie trop importante.
Déjà touchés par la findu droit d’option en matière d’assurance maladie à compter du 1 er
juin prochain, les presque 100 000 travailleurs frontaliers et leur conjoint vont subir de
plein fouet une hausse d’impôt considérable entraînant une baisse importante de leur
pouvoir d’achat.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les actions menées par le
Gouvernement et les éventuelles mesures envisagées avec les autorités suisses pour
assouplir ce nouveau barème et prendre en compte la situation réelle des contribuables
ou permettre a posteriori prise en compte des revenus réellement perçus dans le foyer
fiscal ?
M. le président. La parole est à M. le Secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert , secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député Martial
Saddier, vous avez rappelé que, conformément aux principes internationaux, la
convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 prévoit l’imposition des salariés
dans l’État où ils exercent leur activité professionnelle, sous réserve des cas couverts
par le régime des frontaliers résultant de l’accord du 11 avril 1983. La retenue à la
source pratiquée par les cantons suisses sur les salaires des résidants en France qui
travaillent sur leur territoire s’inscrit dans ce cadre juridique et relève de la souveraineté
fiscale de la Suisse.
S’agissant des modalités, l’ordonnance fédérale sur l’imposition à la source du 19
octobre 1993 a été modifiée le 25 février 2013. Comme vous l’indiquez, la nouvelle
réglementation prévoit que le taux de retenue à la source prélevé sur la rémunération
versée aux salariés exerçant en Suisse est déterminé en évaluant de manière forfaitaire
les revenus du conjoint, lorsque ce dernier n’exerce pas son activité professionnelle en
Suisse.
Dans ce cadre, les revenus du conjoint seront réputés être du même montant que ceux
du salarié de l’entreprise suisse. Ces modalités de détermination ne tiennent pas
compte du niveau réel des revenus du foyer et peuvent être ainsi défavorables aux
salariés travaillant en suisse mais n’y ayant pas leur domicile. Dans les faits, cette
nouvelle réglementation Secrétaire d’état traduit par des forts ressauts d’imposition pour
certains travailleurs français, potentiellement en décalage avec leurs revenus réels.
Conscient de ces difficultés, le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici,
a écrit le 28 novembre 2013 à son homologue suisse, Eveline Widmer-Schlumpf, afin de
faire évoluer le dispositif pour prendre en compte la situation réelle des contribuables.
Le Gouvernement estime qu’en tout état de cause, à l’instar de ce qui est déjà prévu à
Genève, l’administration fédérale suisse pourrait inciter les cantons à adopter des
mécanismes de régularisation permettant, même a posteriori , une prise en compte des
revenus effectivement perçus par le foyer fiscal. En réponse, le 16 décembre 2013, les
autorités suisses ont indiqué qu’elles prenaient note de la difficulté et Se sont engagées
à réexaminer le dispositif.
Par ailleurs, lors de la réunion entre Pierre Moscovici et son homologue suisse, à Berne,
le 6 mars 2014 __ réunion à laquelle j’ai participé __, les deux parties ont souligné
l’importance de régler les difficultés rencontrées sur le plan fiscal par les travailleurs
frontaliers, en application de l’accord de 1983, mais aussi dans un cadre plus général.
Le Gouvernement reconnaît comme vous l’importance du sujet, qui sera suivi
étroitement par le ministre des finances et par le Secrétaire d’État chargé du budget,
lui-même frontalier du Grand-Duché de Luxembourg. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Merci pour votre réponse, monsieur le ministre. Il est vrai que les
frontaliers sont une chance, au sens large, pour le pays, particulièrement ceux qui
travaillent en Suisse. Au nom de mes deux collègues de Haute-Savoie et en mon nom
propre, je répète que, depuis quelques mois, entre la votation du 9 février qui remet en
cause les accords bilatéraux avec l’Union européenne, la suppression du libre choix de
l’assurance maladie, et cette convention fiscale, les travailleurs frontaliers, notamment
ceux qui travaillent en Suisse, sont particulièrement malmenés.
Nous comptons donc sur vous pour que les relations diplomatiques entre la République
française et nos amis suisses s’intensifient, afin de régler l’ensemble de ces problèmes.
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