Culture : prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse

Culture : prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse

Culture : prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse 506 287 Virginie DUBY-MULLER

 Proposition de loi visant a harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1981, commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap (711)

Discours de V. DUBY-MULLER, Orateur du groupe UMP

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Madame la Rapporteure,

Mes chers Collègues,

 

Nous sommes aujourd’hui réunis pour remédier à une incohérence de notre droit en matière de délais de prescription des délits de presse.

Actuellement, ceux-ci varient selon le caractère de l’infraction. Ainsi les délits de diffamation, d’injures ou de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence commis à l’encontre des personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap, sont soumis à un délai de prescription qui est actuellement de 3 mois, conformément au droit commun. Mais ces mêmes infractions commises à raison de la race, de l’ethnie ou de la religion ont vu leur délai de prescription porté de 3 mois à un an par la loi du 9 mars 2004, dite loi Perben II.

L’évolution de la loi a donc introduit une distorsion entre les délais de prescriptions au sein d’infractions de même nature, ce qui n’est satisfaisant ni pour le législateur, ni pour ceux qui font appliquer la loi, et encore moins pour ceux auxquels la loi s’applique, nos concitoyens.

Pour mémoire, il faut aussi rappeler que dans un autre domaine, c’est encore une fois un délai de prescription d’un an que le législateur a inscrit dans la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme pour les actes provoquant « directement aux actes de terrorisme »  ou à leur apologie.

De fait, le délai dérogatoire de droit commun de 3 mois semble aujourd’hui obsolète. La loi fondatrice de 1881 relative à la liberté de la presse, ne pouvait pas, il y a plus de 130 ans, anticiper la révolution numérique qui devait marquer la fin du XXème siècle. Elle ne pouvait pas non plus prévoir l’extension de l’espace public que représente Internet, ni ses grandeurs et décadences entre liberté totale d’expression et dérives difficilement contrôlables.

C’est donc au législateur de garantir la pertinence et l’actualité des grandes lois qui ont marqué notre droit.

C’est pourquoi nous saluons cette proposition de loi, issue d’une initiative de Catherine Quéré, que nous avions soutenue après suppression de son article 1er lors de la précédente législature et qui devrait être adoptée définitivement aujourd’hui.

C’est bien le dévoiement de la loi opéré sur Internet que est visé aujourd’hui. La volonté des auteurs de cette proposition de loi, telle que nous la comprenons et que nous la saluons, est de lutter contre l’impunité qui peut régner dans le cyberespace. Nous sommes soucieux, comme vous, de la liberté de la presse, et nous comprenons qu’il ne s’agit en aucun cas d’une tentative détournée de porter atteinte à la liberté d’expression, d’autant que la loi Perben II a bien montré que la prescription d’un an n’avait certainement pas contribué à museler les médias traditionnels.

En effet, cette proposition de loi, désormais réduite à son article 2, est équilibrée. En alignant la prescription d’un an de l’action publique à tous les délits de presse à caractère discriminatoire, quel qu’en soit le motif, elle permet à des actes identiques, punis par des peines identiques, de faire l’objet des mêmes possibilités de poursuite.

Pour mémoire, malgré ces délais de prescriptions actuellement distincts, ces infractions restent soumises au même régime de peine, à savoir une peine de prison pouvant aller de 6 mois à un an ainsi qu’une amende pouvant aller de 22 500 euros à 44 500 euros.

Ce texte répond donc à deux objectifs que nous comprenons.

Premièrement, il concourt à l’intelligibilité de la loi.

Le droit doit être lisible et compréhensible par tous. Or, la multiplicité des délais de prescription favorise la confusion et accroît les risques pour les justiciables de se tromper dans les délais et de voir ainsi un certain nombre de plaintes classées.

L’harmonisation des délais de prescription permet aussi de garantir l’égalité devant la loi. Il apparaît difficile de cautionner une hiérarchie implicite entre les discriminations, en acceptant que les délais de prescription varient en fonction de la gravité supposée du motif. Une discrimination reste une discrimination, qu’elle se fonde sur l’ethnie ou sur l’orientation sexuelle, sur la religion ou sur le handicap

Ce texte répond ensuite à un objectif simple d’efficacité.

De fait, le délai de prescription de 3 mois est trop court pour être efficace. C’était bien le Constat du Garde des Sceaux Dominique Perben en 2004. Les démarches d’identification et de poursuite des responsables qui agissent anonymement sur la toile sont trop longues et trop complexes pour être réglées dans le cadre d’un délai de 3 mois. Il faut laisser plus de temps aux magistrats et aux services d’enquête.

Comme le rappelle la Rapporteure dans son rapport, entre 2003 et 2011, aucune condamnation n’a été prononcée pour motif de discrimination a raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. On pourrait s’en réjouir si cette absence était liée à une absence de plainte, ce qui n’est malheureusement pas le cas.

Par voie de conséquence, ce texte laisse une chance aux victimes.

Cela a été dit, le délai d’un an de prescription est adapté à l’essor des nouvelles technologies et devrait faciliter les poursuites. Ce nouveau délai permet d’identifier l’infraction et de donner une appréciation de la situation pour décider de l’opportunité ou non de poursuivre une éventuelle infraction.

Ce faisant, il permet aussi de lutter contre la banalisation de ces infractions sur la toile. Alors que dans les médias classiques, une publication chasse l’autre, il n’existe pas de droit à l’oubli sur internet.

Comme dans tous les domaines et dans tous les espaces, le vivre-ensemble ne peut faire l’économie d’un équilibre entre droits et devoirs. Internet, ce formidable espace de liberté, que chacun peut investir sur n’importe quel sujet, implique en contrepartie de donner à toutes les éventuelles victimes les moyens de faire valoir leurs droits.

Pour conclure, ce texte qui s’apparente à la réparation d’une incohérence est un texte important. Le législateur n’est pas là aujourd’hui pour museler la presse mais bien pour lutter contre la multiplication des dénis de justice. C’est pourquoi le Groupe UMP, votera pour ce texte, comme il l’avait fait en première lecture.

Je vous remercie.

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