Intervention de Virginie DUBY-MULLER en discussion générale
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mesdames et Monsieur le Rapporteur,
Mesdames, Messieurs, Chers Collègues,
Liberté, Egalité, Fraternité.
C’est sur notre devise républicaine et ses trois principes indissociables que je voudrais commencer mon propos, Madame la Ministre des Droits des Femmes, alors que nous nous retrouvons pour ce que vous appelez la «troisième étape» des droits des femmes – après celle des droits civiques de la Libération et des droits économiques et sociaux des années 1970 .
Je commencerai d’abord par des paroles fraternelles pour reconnaître que vous habitez réellement votre fonction de Ministre à laquelle vous avez su donner une dimension transversale et interministérielle. Toutefois, si vous nous avez démontré en Commission avoir encore besoin de la loi pour faire avancer les droits des femmes, je déplorerai dans un second temps le fait que le contenu de votre texte aille trop loin en touchant aux libertés individuelles de nos concitoyens. Vous êtes passée du « pas assez d’égalité hommes-femmes » au « complétement » voire « trop ».
Les objectifs de votre texte sont louables : lutter contre les nombreuses inégalités entre les hommes et les femmes dans la vie privée comme dans la vie publique. Qui oserait s’opposer en 2014 à ce combat lorsqu’on constate que :
- 80% des tâches domestiques continuent d’être assurées par les femmes
- Un écart de rémunération de 27% sépare toujours aujourd’hui les hommes et les femmes, lesquelles constituent 80% des salariés à temps partiel.
- Il n’y a encore que 23% des femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40 malgré la loi Copé/Zimmermann
- Nous ne sommes que 26% à être femmes et députées et on me demande d’ailleurs fréquemment qui garde ma fille âgée de 2 ans
- Seule 14% des maires sont des femmes.
Votre texte va donc dans le même sens que la politique volontariste qui a été menée par la précédente majorité.
Votre projet de loi-cadre consiste en une approche intégrée de l’égalité et comporte ainsi un nombre important de mesures sans grande cohérence les unes avec les autres. Le Sénat ayant largement contribué à faire de votre projet de loi un texte « fourre-tout » en votant 40 articles additionnels aux 25 articles initiaux, « l’Assemblée Nationale redressera la trajectoire » comme l’a précisé le Président de la Commission des Lois le 10 décembre dernier.
Nous allons donc essayer de revenir à l’essentiel de votre texte.
Les dispositions relatives à la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité – Titre III, articles 7 à 17- ont particulièrement retenues mon attention – bien que l’article 17 aille trop loin. La loi du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, avait comme principale innovation la mise en place de l’ordonnance de protection. Votre article 7 a pour objet de l’améliorer avec des dispositions permettant d’assurer en urgence la protection des personnes victimes de violences de la part de leur conjoint, de leur partenaire d’un pacte civil de solidarité ou de leur concubin.
Les améliorations proposées sont nombreuses et on ne peut que s’en féliciter :
- téléphone portable d’alerte « grand danger » généralisé dans le cas de violences conjugales mais aussi de viols,
- suppression de la médiation pénale dans les cas de violence conjugales,
- éviction systématique du domicile du conjoint violent.
L’article 6 est aussi une avancée importante : je reçois encore beaucoup trop de femmes à ma permanence qui ne reçoivent pas la pension alimentaire qui leur est due.
Mais, Madame la Ministre, je voudrais revenir sur une autre mesure forte de votre projet de loi : la réforme du congé parental, mesure sujet à controverse. L’article 2 vise non pas à encourager mais à contraindre les couples à répartir différemment le congé parental. Or, n’en déplaise à mes collègues, cette mesure, dont l’objectif est d’impliquer davantage les pères et de ne pas tenir les mères éloignées trop longtemps du marché du travail, a des effets pervers :
- Tout d’abord, certaines familles n’apprécient pas qu’on leur dicte leur conduite et que l’on s’immisce dans leur vie privée
- D’autres n’y ont pas recours.
- Enfin et c’est une grande majorité, des familles ne PEUVENT pas y avoir recours : je pense ici aux artisans, aux commerçants, aux étudiants et aux frontaliers qui sont très nombreux en Haute-Savoie et en particulier dans ma circonscription.
Ces points ont fait l’objet d’amendements et nous espérons, Madame la Ministre, que vous y serez sensible.
D’ailleurs, alors que vous faites souvent référence à l’Allemagne – où 3 ans après la réforme, la proportion des pères prenant un congé a été multiplié par 7 (passant de 3 à 21%) -, je voudrai citer l’exemple de Sigmar GABRIEL, Vice-Chancelier, ministre de l’Economie et de la Transition énergétique, qui a annoncé qu’il se libèrerait chaque mercredi après-midi pour aller chercher sa fille de 2 ans. Ce choix, relève bien de la sphère privée, d’une volonté personnelle, d’un arrangement individuel et non pas d’une loi. Pourquoi vouloir légiférer coûte que coûte dans un domaine qui relève de choix personnels et familiaux !
Il en est de même dans le cadre de la lutte contre les stéréotypes avec vos Abécédaires de l’Egalité. Le D de déconstruire me laisse sceptique. L’égalité hommes-femmes, certes cela s’apprend, mais je ne suis pas certaine que ce soit la priorité de l’école ou de la formation des enseignants. Oui, les garçons peuvent jouer à la dinette ! Non la danse n’est pas réservée qu’aux filles ! D’ailleurs dans les pays scandinaves, pionniers de la théorie du genre, les jeunes filles continuent de choisir des métiers en liens avec le service à autrui ou la communication alors que les garçons se consacrent plutôt aux métiers techniques. Cette Approche empirique contredit cette politique que vous venez de lancer
D’autant que parallèlement le gouvernement s’en prend à la politique familiale.
Madame la Ministre, j’aurai eu envie de suivre votre mobilisation pour la cause des droits des femmes. Mais je n’ai pas ma même dialectique que vous. Pour moi, pas d’égalité sans liberté.
Aussi, votre engagement m’apparaît excessif dans la mesure où il porte atteinte à la liberté individuelle et à la vie privée des Français, mais qu’il pèse également sur les entreprises en ajoutant des lourdeurs et des contraintes dont elles se seraient passées dans ce contexte de crise et d’inflation normative.
Je vous remercie.
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