Vie communale – Publié le mercredi 9 avril 2014
Une proposition de loi visant à rendre obligatoire la déclaration de domiciliation a été examinée ce mercredi 9 avril par la commission des lois de l’Assemblée. Le dispositif proposé vise à permettre aux communes de disposer d’une information plus exacte sur la réalité de leur population, tout en simplifiant les démarches administratives des citoyens. Pour les détracteurs du projet, la constitution du fichier communal prévue par le texte soulève des questions éthiques et risque d’être source de complexité, au lieu du gain de simplicité escompté.
Aujourd’hui, lorsqu’on s’installe dans une nouvelle commune, on peut le signaler à la mairie, mais ce n’est pas une obligation. Même si l’on est étranger, puisque le régime particulier qui prévalait jusque-là a été aboli en 2006. Pour Virginie Duby-Muller, rapporteur de la proposition de loi, alors que l’obligation de domiciliation prévaut dans « presque tous les pays de l’Union européenne », la situation française s’explique en partie par une « circonspection » de notre pays vis-à-vis de tout fichage, du fait de l’histoire. Pourtant, assortie de garanties pour les libertés individuelles, la déclaration de domiciliation permettrait d’améliorer de différentes façons le service public.
Des données fiabilisées pour la planification communale
Le dispositif permettrait d’abord « d’avoir une connaissance détaillée et actualisée de la population d’une commune », selon l’exposé des motifs, avec différents « éléments d’information (identité, date de naissance, adresse du déclarant et des personnes qui composent son foyer) sur l’ensemble de la population de la commune, que les personnes soient de nationalité française ou pas ». Alors que 11% des Français déménagent chaque année et que le recensement fournit une estimation qui peut parfois présenter un décalage important par rapport au nombre réel d’habitants, le registre communal issu des déclarations de domiciliation permettrait à chaque commune de disposer de données plus exactes.
Avec quels objectifs ? Une proposition d’amendement les énonce clairement : « Les données rendues anonymes peuvent être utilisées pour la réalisation de statistiques, la détermination de la population légale, l’attribution des dotations et subventions de l’État et des autres collectivités territoriales, la gestion des services publics communaux et la planification des investissements locaux. » Un outil au service de la planification, donc, pour mieux programmer les dépenses et mieux estimer les recettes. Avec, en perspective, « une répartition plus juste des dotations de l’Etat », pour le rapporteur qui rappelle qu’une part non négligeable de la dotation globale de fonctionnement est attribuée sur le seul critère populationnel.
Simplifier les démarches administratives
Quant aux données nominatives, elles ne pourraient « être utilisées que pour la fourniture aux intéressés de services et prestations par la commune et pour l’accès aux activités scolaires et périscolaires », selon le même amendement. En effet, si la proposition de loi ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect du dispositif, elle en garantit le caractère obligatoire en associant à la déclaration de domicile la délivrance d’un récépissé qui, selon l’exposé des motifs, « serait indispensable à toute autre démarche liée à l’installation et à la vie dans une commune, telle que le raccordement aux différents réseaux, l’inscription sur les listes électorales ou dans une crèche ou une école, les activités périscolaires ou culturelles etc. »
Selon Virginie Duby-Muller, ce récépissé deviendrait l' »unique justificatif de domicile » obtenu à l’issue d’une « seule formalité administrative ». Autrement dit, la déclaration de domicile systématisée pourrait simplifier la vie des habitants, en particulier celle des plus mobiles d’entre eux. Et même, pourquoi pas, donner un coup de pouce à la participation aux élections, puisque les listes électorales seraient mises à jour par la même occasion.
Le risque d’usine à gaz et de « grand fichier national »
Si certains députés ont souligné l’intérêt d’un tel dispositif, plusieurs autres ont soulevé des problèmes d’ordre juridique, technique, financier et même éthique.
Tout en se montrant favorable à l’approche proposée, le député UMP Philippe Gosselin exprime ainsi « sa crainte d’un grand fichier national » et alerte sur « les difficultés qu’il pourrait y avoir dans l’application ». Le député socialiste Hugues Fourage va plus loin en dénonçant « des intentions malignes de contrôle de population » et en affirmant que « le régime actuel est souple » et que le dispositif proposé conduirait à « un surcroît de travail énorme pour les services d’état civil ». La mise en place d’un nouvel outil informatique et la formation consécutive des agents engendrerait en outre un coût important pour les communes.
Tentant de lever les inquiétudes, Virginie Duby-Muller a assuré avoir auditionné la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et en retient qu’un tel dispositif de domiciliation obligatoire « ne porte pas atteinte à la liberté d’aller et venir » ; il ne pose d’ailleurs pas de problème dans les pays de l’Union européenne qui le pratiquent. Le rapporteur a par ailleurs répété qu’il ne s’agit pas de constituer un fichier national, mais bien « des fichiers communaux avec des interconnexions » visant à faciliter les mises à jour. Enfin, pour éviter tout détournement du fichier, le texte prévoit des sanctions à l’égard du personnel communal qui dérogerait aux règles fixées. Une argumentation peu convaincante pour la commission, qui a rejeté l’ensemble de la proposition de loi.
Caroline Megglé
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